MONTRÉAL, le 15 sept. 2025 /CNW/ - Trente regroupements, organismes et chercheurs-ses interpellent la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) afin qu'elle révise sa méthodologie d'évaluation des cibles d'embauche dans le cadre des Programmes d'accès en égalité à l'emploi (PAÉE) qu'elle supervise. Depuis le changement méthodologique qu'elle a adopté en 2020, les cibles d'embauche pour les femmes ont chuté - ce qui a des conséquences directes sur l'accès des femmes à des emplois de qualité.
Le rôle de la CDPDJ : lutter contre les inégalités
Au Québec, la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi vise à corriger les inégalités vécues dans le domaine du travail par cinq groupes victimes de discriminations systémiques : les femmes, les Autochtones, les minorités visibles, les minorités ethniques et les personnes handicapées. Cette loi oblige les organismes publics qui emploient 100 personnes ou plus (comme des municipalités, des sociétés de transport en commun, des collèges, des universités, etc.) à adopter un Programmes d'accès en égalité à l'emploi (PAÉE) afin de corriger la situation de ces cinq groupes. La CDPDJ a le mandat de veiller à la conformité des PAÉE.
Un changement méthodologique problématique
Dans le cadre des PAÉE, la CDPDJ fixe des cibles d'embauche de femmes à atteindre (en fonction de leurs taux de disponibilité par regroupement d'emploi) pour corriger leur sous-représentation dans certains types d'emplois.
Avant 2020, la CDPDJ se basait sur des catégories d'emplois détaillées pour fixer des indicateurs cibles. Depuis son changement méthodologique en 2020, elle regroupe les emplois dans 14 catégories professionnelles d'équité en matière d'emploi.
Le problème est que cette recatégorisation aboutit à des moyennes par grappes d'emplois, où se côtoient des emplois où les femmes sont sous-représentées (cols bleus, pompières, professeures, cadres supérieurs...) avec des emplois traditionnellement féminins ou des emplois où la mixité est bien établie. Par exemple, les pompières sont dans le même regroupement que les techniciens-nes juridiques et les techniciens-nes en bibliothèque à la Ville de Montréal; et les professeurs-res sont regroupés avec les assistants-tes d'enseignement dans les universités.
Une réforme dévastatrice pour les Québécoises
Bien qu'involontaires, les conséquences de cette nouvelle méthodologie sont lourdes de conséquences pour les femmes à l'échelle du Québec. La sous-représentation des femmes dans certains emplois est devenue invisible et les cibles d'embauche quasiment nulles.
Résultat : les organismes publics soumis à la Loi n'ont plus d'objectifs suffisants d'embauches de femmes dans les types d'emplois où elles sont en nombre insuffisant. C'est le cas des femmes cols bleus et des pompières à la Ville de Montréal; des professeures dans les universités ou encore des femmes cadres supérieurs dans les services de santé et services sociaux.
Ainsi, la Loi pour l'accès à l'égalité en emploi remplit moins son rôle de contrer la division sexuée du travail et les plafonds de verre dans les institutions publiques.
Les signataires de ce communiqué demandent à la CDPDJ de corriger sa méthodologie de calcul des cibles d'embauche afin de mettre en évidence les sous-représentations des femmes et de restaurer des cibles claires et ambitieuses pour les femmes.
Citations
«L'égalité en emploi ne peut pas dépendre du bon vouloir des employeurs. Elle doit être soutenue par des outils rigoureux et transparents, comme les PAÉE. C'est pour cette raison que nous lançons un appel urgent à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. La Commission est une instance unique et incontournable pour veiller à l'application de la Loi sur l'accès en égalité en emploi et combattre les inégalités. Nous sommes persuadées que les effets de son changement méthodologique étaient imprévus et qu'elle va donc le réviser», explique Katia Atif, directrice générale d'Action travail des femmes.
« En amalgamant des professions où les femmes sont historiquement absentes ou sous-représentées avec d'autres où elles sont majoritaires, la recatégorisation des groupes d'emploi brouille les statistiques et neutralise les mécanismes de correction. La sous-représentation féminine dans les postes stratégiques devient invisible, et les obligations en matière d'accès à l'égalité s'évaporent dans des moyennes qui ne reflètent plus la réalité », explique Diane Gagné, professeure titulaire en relations industrielles à l'Université du Québec à Trois-Rivières.
« Notre récente recherche Cols bleus, 10 ans plus tard : des progrès décevants, révèle que la proportion de femmes parmi les cols bleus de la Ville de Montréal est passée de 20 % à 14,5 % de 2006 à 2023. Malheureusement, les dernières cibles d'embauche pour les travailleuses cols bleus identifiées par la CDPDJ sont quasiment nulles. Les membres du Conseil des Montréalaises encouragent vivement la CDPDJ à réviser sa méthodologie afin de visibiliser la sous-représentation des femmes dans les emplois de cols bleus à la Ville de Montréal et de favoriser l'embauche de plus de femmes dans ces emplois de qualité », déclare Nelly Dennene, présidente du Conseil des Montréalaises.
Signataires :
Action travail des femmes (ATF)
Action cancer du sein du Québec (ACSQ)
Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail (CIAFT)
Conseil des Montréalaises
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
L'R des centres de femmes du Québec
Mouvement allaitement du Québec
Relais-Femmes
Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec (RAFIQ)
Réseau des Tables régionales de groupes de femmes du Québec
Réseau québécois d'action pour la santé des femmes (RQASF)
Table des groupes de femmes de Montréal (TGFM)
Cécile Fonrouge, professeure à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)
Cheolki Yoon, professeur adjoint à l'École de communications sociales de l'université Saint-Paul
Diane Gagné, professeure titulaire en relations industrielles à l'UQTR
Éliane Moreau, professeure associée au département de marketing et technologie de l'information à l'UQTR
Elsa Galerand, professeure au département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal (UQAM)
Étienne St-Jean, professeur titulaire au département de management de l'UQTR
Francine Descarries, professeure émérite à l'UQAM
Julie Levesque-Côté, professeure au département des ressources humaines de de l'école de gestion de l'UQTR
Isabelle Auclair, professeure titulaire, département de management, Université Laval et titulaire de la Chaire Bonenfant, Femmes-Savoirs et Sociétés
Marie-Eva Andriantsara, DBA et conseillère en recherche et projet à l'Institut National des Mines du Québec
Marise Bachand, professeure au département des sciences sociales à l'UQTR
Martin Gallié, professeur de droit à l'UQAM
Mélissa Theriault, professeure au département de philosophie de l'UQTR
Michel Coutu, professeur émérite École de relations industrielles, Université de Montréal
Naïma Hamrouni, professeure de philosophie à l'UQTR
Nancy Aumais, professeure au département de management de l'UQAM
Sophie Brière, professeure au département de management, Université Laval, Professeure titulaire, directrice de l'Institut EDI2 (équité, diversité, inclusion, intersectionnalité)
Yanick Noiseux, chercheur au Groupe interdisciplinaire et interuniversitaire de recherche sur l'emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS) et professeur au département de sociologie de l'Université de Montréal.
À propos d'Action travail des femmes et du Conseil des Montréalaises
Action travail des femmes du Québec (ATF) est un organisme autonome à but non lucratif féministe qui lutte contre la discrimination des femmes à l'embauche et au travail. Il intervient pour que des mesures actives soient mises en place et que la législation en matière de droits de la personne soit améliorée en tenant compte de la discrimination à l'égard des femmes.
Le Conseil des Montréalaises est une instance consultative de la Ville de Montréal créée en 2004. Il conseille l'administration municipale sur tous les enjeux féministes en lien avec les compétences municipales. Ses 15 membres bénévoles effectuent des recherches et publient des avis sur les conditions de vie et de travail des Montréalaises.
SOURCE Conseil des Montréalaises
Pour information et demandes d'entrevues : Kenza Bennis, coordonnatrice, Conseil des Montréalaises, 514 451-6038, [email protected]
Autres communiqués de la compagnie
Partager cet article