Santé mentale et justice - Le Barreau du Québec émet ses recommandations pour
le traitement judiciaire adapté et approprié des personnes présentant des
troubles mentaux ou une déficience intellectuelle
MONTRÉAL, le 24 mars /CNW Telbec/ - Le Barreau du Québec a dévoilé ce matin le rapport du Groupe de travail sur la santé mentale et la justice, lequel dresse un portrait des améliorations à apporter dans le processus judiciaire des personnes ayant des troubles mentaux ou des déficiences intellectuelles.
Les auteurs ont scruté les processus en matière civile et criminelle et mis à jour des différences de traitement importantes, particulièrement en matière civile. "L'examen du cheminement des procédures qui existent au sein du processus judiciaire en matière de traitement des personnes souffrant de maladies mentales ou présentant une déficience intellectuelle révèle une multiplicité de juridictions, ce qui fait que les différents intervenants judiciaires n'ont pas un portrait global de la personne vulnérable", a expliqué le bâtonnier du Québec, Me Pierre Chagnon. Le rapport révèle des lacunes tant au niveau du traitement qu'au niveau de l'application de certaines dispositions déjà prévues dans les lois et codes existants.
"Nous avons aussi constaté qu'une large part des problèmes rencontrés sont causés par le manque de formation et de sensibilisation aux problématiques vécues et aux outils disponibles. Il revient à chacune des institutions de justice, dont le Barreau, de s'assurer de la diffusion de ces outils et d'en développer de nouveaux", ajoute le bâtonnier.
Le rapport dresse, entre autres, les recommandations suivantes :
1. Continuer les démarches entamées par le Barreau du Québec au niveau
de la formation et de prioriser l'offre de cours spécialisés sur la
représentation de personnes ayant des troubles mentaux ou présentant
une déficience intellectuelle en valorisant une sensibilisation aux
caractéristiques de cette clientèle ainsi qu'une formation intégrée
en droit civil et en droit criminel tant au Cégep, à l'université,
au Barreau du Québec qu'en formation continue.
- Recommandations en droit civil
2. Que les différents processus en matière civile, soient la garde en
établissement, l'autorisation de traitement et les régimes de
protection, incluant le remplacement des représentants légaux et des
mandataires, soient guidés par des principes et procédures similaires
afin d'uniformiser le traitement qui est accordé à la personne ayant
des troubles mentaux ou présentant une déficience intellectuelle.
3. Que l'article 394.1 C.p.c. soit modifié pour ajouter que, lorsque
sont mises en cause l'inviolabilité, l'intégrité, la sécurité,
l'autonomie ou la liberté de la personne en raison de son état
mental, la personne doit être représentée d'office sauf si la
personne refuse d'être représentée et que le juge estime que le refus
est approprié.
4. a. Qu'un écrit s'inspirant de l'annexe qui est prévue à la Loi sur la
protection des personnes dont l'état mental présente un danger
pour elles-mêmes ou pour autrui informant la personne de ses
droits et obligations ainsi que de son droit à la représentation
par avocat soit annexé aux requêtes pour garde en établissement,
en matière d'autorisation de traitement ou de requête relative à
un régime de protection légal ou conventionnel;
b. Que, lors des jugements de garde provisoire et des évaluations
subséquentes, un document écrit soit remis à la personne visée
afin de l'informer de ses droits et obligations, ainsi que de son
droit à la représentation par avocat.
5. Que toutes les requêtes (y compris la requête en remplacement de
protecteur) visant l'inviolabilité, l'intégrité, la sécurité,
l'autonomie ou la liberté de la personne doivent être signifiées à
personne et l'interrogatoire doit avoir lieu, sauf si c'est
manifestement déraisonnable.
6. Accroître la formation aux avocats et aux juges pour favoriser
l'application des articles 780 C.p.c., 884.4 C.p.c., 23 C.c.Q. et
276 C.c.Q.
7. Qu'il y ait l'interrogatoire du majeur inapte lors de la requête en
remplacement de son protecteur.
8. De s'inspirer de la Loi sur la protection des personnes dont l'état
mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui afin qu'il
soit prévu un processus de réévaluation administrative qui peut mener
à un processus de révision/réévaluation à une fréquence à déterminer.
Ce mécanisme de révision/réévaluation tiendrait compte de l'évolution
de la situation de la personne, même si l'ordonnance prévoyait
initialement une durée fixe.
- Recommandations en droit criminel
9. Qu'il y ait enregistrement vidéo de toutes les déclarations
extrajudiciaires lors d'interrogatoires par les policiers.
10. Accroître la formation auprès des avocats et des juges pour bien
circonscrire et s'en tenir à ce que doit contenir le rapport
d'évaluation relatif à la demande sur l'aptitude sous 672.11 a) du
Code criminel et ne pas traiter de la "responsabilité criminelle"
sous 672.11 b) du Code criminel.
11. a. L'application rigoureuse par les tribunaux du principe de
l'article 672.14 du Code criminel à savoir que l'ordonnance de
détermination de l'aptitude de l'accusé à subir son procès ne doit
pas, règle générale, dépasser le délai de cinq (5) jours.
b. Que soit développé un mécanisme pour ramener l'accusé dès que
possible si l'évaluation est terminée avant le délai imparti,
tel que prévu à l'article 672.191 du Code criminel.
12. L'application rigoureuse par les tribunaux du principe de l'article
672.16 du Code criminel, qui priorise la mise en liberté pour
l'évaluation de l'état mental, privilégiant ainsi l'évaluation
effectuée à l'externe ou en milieu hospitalier.
13. Que l'on rappelle l'importance de mettre en application la
désignation mandatoire par avocat prévue à l'article 672.24 (1) du
Code criminel.
14. De favoriser qu'une décision judiciaire soit rendue à l'égard de
l'accusé suivant l'article 672.45 du Code criminel.
15. L'application rigoureuse par les tribunaux des principes de l'article
672.54 du Code criminel pour favoriser la décision ainsi que les
modalités particulières les moins sévères et les moins privatives de
liberté lorsqu'un accusé est déclaré non responsable criminellement
telles que stipulées à l'article 672.54 du Code criminel.
- Recommandation commune en droit civil et criminel
16. Que la procédure de vidéoconférence ne soit pas utilisée à l'occasion
de l'évaluation de l'état mental.
Le Barreau du Québec partage ses constats et ses recommandations avec l'ensemble des intervenants : ministères concernés, corps policiers, magistrature, avocats, organismes communautaires, etc., et souhaite mobiliser le milieu autour de ces enjeux et des solutions avancées.
"Il importe, comme officier de justice, que dans chacune de nos interventions, nous gardions à l'esprit tant le respect de la loi que celui de la personne humaine. Le respect de la dignité et le respect des droits humains doivent aller de pair", souligne le bâtonnier Chagnon.
Le Barreau du Québec
Le Barreau du Québec est l'Ordre professionnel de quelque 23 000 avocats et avocates. Afin de remplir sa mission qui est la protection du public, le Barreau maximise les liens de confiance entre les avocats et les avocates, le public et l'État. Pour ce faire, le Barreau surveille l'exercice de la profession, soutient les membres dans l'exercice du droit, favorise le sentiment d'appartenance et fait la promotion de la primauté du droit.
Pour connaître en détails la position du Barreau : http://www.barreau.qc.ca/actualites-medias/positions/index.html
Renseignements: et entrevue: France Gaignard, Relationniste, (514) 616-7705; Source: France Bonneau, Directrice des communications
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