Les médias qui publient les commentaires du public doivent respecter la diversité des points de vue
MONTRÉAL, le 4 sept. 2025 /CNW/ - Le Conseil de presse du Québec publie aujourd'hui trois décisions concernant des plaintes qu'on lui a soumises. Il a retenu les trois plaintes, en tout ou en partie.
D2024-10-081 : Serge Pilon c. Le Journal de Montréal
Le Conseil de presse retient la plainte de Serge Pilon et blâme Le Journal de Montréal concernant un refus injustifié de publier une contribution du public dans la section des commentaires accompagnant la chronique « Recette de la tarte à la chnoute », publiée le 29 octobre 2024. Il retient également un manque de courtoisie envers le lecteur.
Alors que M. Pilon souhaite réagir à la chronique « Recette de la tarte à la chnoute » de Richard Martineau publiée dans Le Journal de Montréal, comme l'ont fait plusieurs autres lecteurs, le média refuse de publier son commentaire. Le Conseil constate que le commentaire de M. Pilon, qui disait détester « ce genre de chronique qui cherche à tout dénigrer en taisant tous les éléments positifs » n'allait pas dans le même sens que les autres internautes, qui acquiesçaient à l'opinion du chroniqueur. En plus d'un refus de publication, M. Pilon reçoit l'avertissement suivant du média :
« Bonjour, Si le contenu d'un texte ne vous intéresse pas (ou un blogueur en particulier), passez outre et surtout, ne prenez pas la peine d'écrire un commentaire qui fait perdre un temps précieux à l'équipe de modérateurs. Il y en a pour qui ces articles intéressent [sic]. Nous vous rappelons que vous êtes dans la section Opinion du Journal. Votre compte pourrait être suspendu / banni de nos plateformes. »
Le Conseil explique : « Le principe du Guide sur les contributions du public établit que "les médias d'information qui choisissent d'accepter les contributions du public doivent tenter de refléter une diversité de points de vue". […] Les médias n'ont pas d'obligation de publier les commentaires du public. Pour certains, la modération de commentaires est une charge trop importante. Cela dit, s'ils choisissent de le faire, par exemple au bas d'une chronique, ils ne peuvent pas publier uniquement les commentaires qui encensent l'opinion du chroniqueur. Cela ne reflète pas la réalité et peut donc induire le public en erreur. »
D2024-11-094 : Charles Lalonde c. Jamie Sarkonak et le National Post
Le Conseil de presse retient la plainte de Charles Lalonde au sujet de la chronique d'opinion « Ottawa's anti-anglophone crusade comes for the middle managers », de la chroniqueuse Jamie Sarkonak, publiée dans le quotidien de langue anglaise National Post le 30 octobre 2024. Il blâme la chroniqueuse et le média pour sensationnalisme.
Dans le texte d'opinion visé par la plainte, Mme Sarkonak critique les nouvelles exigences minimales en matière de compétence en langue seconde s'appliquant à certains postes bilingues dans la fonction publique fédérale, qui ont été adoptées par le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada en octobre 2024. Elle avance : « Any rule that deprives this group [monolingual Anglophones] from entering and ascending the state bureaucracy is a feature, not a bug; it's systemic discrimination in the literal sense. » (Traduction du Conseil : « Toute règle qui prive ce groupe [les anglophones uniligues] d'accéder à la bureaucratie de l'État et d'en gravir les échelons est une caractéristique, pas un bogue ; c'est de la discrimination systémique au sens littéral du terme. »)
Le plaignant considérait cette affirmation sensationnaliste, estimant que « les règles ne sont pas discriminatoires, car elles s'appliquent de la même manière à tous les individus, qu'ils soient anglophones ou francophones. […] Pour que quelque chose soit considéré comme discriminatoire […], un groupe ou une personne spécifique doit être traité différemment, mais ici, les règles s'appliquent à tout le monde de la même manière en ce qui concerne leur maîtrise d'une langue seconde. »
Dans sa décision, le Conseil fait valoir que « la notion de discrimination systémique - donc une forme de discrimination qui serait érigée en système - envers les Canadiens unilingues anglophones que met de l'avant la chroniqueuse Jamie Sarkonak [...] n'est pas soutenue par des faits. Cette affirmation est exagérée et a pour effet de déformer la réalité, puisque tous les individus non bilingues, quelle que soit leur langue maternelle, sont visés de manière égale par les nouvelles règles en matière de bilinguisme dans la fonction publique fédérale. L'interprétation que fait Mme Sarkonak de ces nouvelles normes linguistiques est abusive car elle ne tient pas compte du fait que l'entièreté des personnes ne maîtrisant pas les deux langues officielles du Canada "à un niveau avancé", qu'elles soient anglophones, francophones ou allophones, se trouvent sur un pied d'égalité en regard de celles-ci. Rien dans la nature de cette nouvelle réglementation ne cible les personnes unilingues anglophones en particulier. »
Par ailleurs, un grief de discrimination, deux griefs d'informations incomplètes, deux griefs d'informations inexactes et deux autres griefs de sensationnalisme sont rejetés.
D2024-12-109 : Claire Ross c. Sophie Durocher et Le Journal de Montréal
Le Conseil de presse retient la plainte de Claire Ross et blâme Sophie Durocher ainsi que Le Journal de Montréal concernant de l'information inexacte, de la discrimination et une absence de correctif visant la chronique d'opinion « 50 nuances de woke », publiée le 26 novembre 2024.
Dans la chronique visée par la plainte, Sophie Durocher conteste le fait que la table ronde intitulée « L'antiwokisme en débats », organisée par le Salon du livre de Montréal, réunisse uniquement des gens qu'elle qualifie de « wokes », soit Learry Gagné, Martine Delvaux et Claire Ross (la plaignante). Selon la chroniqueuse, il ne peut pas y avoir de « débat » quand on assoit « autour d'une même table trois personnes qui penchent du même bord ».
La chroniqueuse exprime ce point de vue lorsqu'elle écrit : « Le Salon du livre de Montréal va présenter un "débat" sur le "wokisme" qui va mettre en présence un woke, une woke et un woke. » Dans ce passage, la chroniqueuse présente Mme Ross, qui est une femme trans, en utilisant le déterminant masculin « un », ce qui constitue une inexactitude.
De plus, dans cet extrait, en choisissant de donner à Claire Ross un autre genre que celui auquel elle s'identifie, la chroniqueuse fait preuve de discrimination. D'abord, le fait de masculiniser intentionnellement une femme trans est méprisant et implique qu'elle n'est pas digne d'estime, en plus d'entretenir des préjugés.
Dans sa décision, le Conseil souligne cependant que « [d]ans certaines situations, il peut être pertinent de faire référence au sexe biologique d'un individu s'il y a un enjeu lié à cette question. Cela pourrait notamment être le cas dans le contexte d'un dossier judiciarisé où la question du sexe biologique d'une personne serait au coeur des débats. Cependant, dans le cas présent, la référence au sexe biologique de Claire Ross n'est pas pertinent au sujet de la table ronde présentée au Salon du livre. »
À propos
Le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, qui œuvre depuis 1973 à la protection de la liberté de la presse et à la défense du droit du public à une information de qualité. Son action s'étend à tous les médias d'information distribués ou diffusés au Québec, qu'ils soient membres ou non du Conseil, qu'ils appartiennent à la presse écrite ou électronique. Le Conseil reçoit les plaintes du public et rend des décisions relativement à la déontologie journalistique. Mécanisme d'autorégulation de la presse, le Conseil ne peut être assimilé à un tribunal civil, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire, législatif ou coercitif; il n'impose aucune sanction autre que morale.
Le Conseil de presse remercie Cision d'avoir rendu possible l'envoi de ce communiqué.
SOURCE CONSEIL DE PRESSE DU QUEBEC

RENSEIGNEMENTS : Caroline Locher, secrétaire générale, Conseil de presse du Québec, [email protected]
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