Enquête indépendante sur l'événement survenu à Scotstown le 27 septembre 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 20 mai 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Scotstown le 27 septembre 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Entre la fin du mois d'août et le début du mois de septembre 2023, un homme publie sur les réseaux sociaux plusieurs vidéos dans lesquelles il profère des menaces visant des politiciens et des préposés d'organismes publics. Dans ses publications, l'homme insiste notamment sur le fait qu'il possède des armes à feu et menace d'employer la force si les policiers se présentent à son domicile.
Au terme d'une enquête menée par la SQ, les policiers obtiennent un mandat de perquisition les autorisant à pénétrer dans la résidence de l'homme afin d'y saisir des armes à feu, des munitions et le matériel informatique utilisé par ce dernier. Ce mandat pouvait être exécuté de nuit et dispensait les policiers de l'obligation de s'annoncer avant d'entrer dans la résidence.
Le 27 septembre 2023, vers 5 h, une équipe du groupe tactique d'intervention (GTI) de la SQ tente une entrée dynamique dans la résidence visée par le mandat de perquisition. À ce moment, deux personnes se trouvent dans la maison : l'homme visé par l'enquête dort sur le divan du salon alors qu'une femme prend place dans la chambre à coucher.
Au moment de lancer l'opération, les agents du GTI s'annoncent en criant plusieurs fois « police ». Tous les agents impliqués portent également un uniforme les identifiant clairement comme des agents de la paix.
Alors que des membres du GTI fracassent les fenêtres du salon et de la chambre à coucher attenante pour y déployer des dispositifs produisant des détonations pour désorienter les occupants, d'autres membres de l'équipe utilisent un bélier afin de forcer la porte principale de la résidence. Cette porte, tout comme la fenêtre adjacente, donne sur l'aire commune de la résidence et le salon qui y est aménagé.
L'ouverture de la porte d'entrée est laborieuse, car cette dernière est barricadée et ne cèdera qu'après plusieurs coups de bélier. Or, pendant que les policiers tentent de forcer cette voie de passage, l'homme s'empresse de saisir l'une des armes à feu posées sur le support situé au-dessus du divan où il prenait place.
Tenant ce fusil de calibre 12 en position de tir, soit en saisissant son pommeau d'une main alors que l'autre repose sous le mécanisme à pompe permettant de la recharger, l'homme se retourne et pointe son arme vers la porte par laquelle les policiers sont sur le point de pénétrer dans la maison. Ce geste est observé par le policier impliqué alors qu'il se trouve dans l'escalier menant à la porte barricadée et qu'il scrute l'intérieur de la résidence depuis la fenêtre adjacente.
Le policier s'empresse de signaler la présence de l'arme à ses collègues avant de faire feu en direction de l'homme. Le projectile tiré par l'arme du policier atteint l'homme au coude droit. Ce dernier perd conscience et tombe au sol.
Lorsque les policiers réussissent à pénétrer dans la maison, l'homme est retrouvé face contre terre aux côtés de son fusil chargé. Il sera rapidement transporté par ambulance dans un centre hospitalier pour y être soigné puis opéré pour sa blessure au coude droit. Les éclats du projectile ont également causé des lacérations superficielles au niveau de son torse.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
En l'espèce, l'intervention des policiers faisait l'objet d'une autorisation judiciaire, soit un mandat de perquisition qui les autorisait à pénétrer dans la résidence afin d'y recueillir la preuve de la commission d'une infraction criminelle. Or, face à la menace imminente que représentait l'homme lorsqu'il a braqué son arme à feu en direction de la porte d'entrée, le policier impliqué avait des motifs raisonnables de croire que la force employée était nécessaire afin de protéger les policiers qui étaient sur le point de pénétrer dans la résidence contre ce risque de lésions corporelles graves et cette menace pour leur vie.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu des paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier de la SQ impliqué dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Annabelle Sheppard, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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