Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 25 janvier 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 11 juill. 2025 /CNW/ - Suivant un verdict d'inaptitude à subir son procès et la prononciation d'une ordonnance de suspension d'instance par le tribunal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 20 janvier 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Montréal le 25 janvier 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 25 janvier 2021, vers 17 h 35, un homme se présente à une succursale de la Société québécoise du cannabis de Montréal. Le gardien de sécurité posté dans le vestibule devant la porte d'entrée lui refuse l'accès, puisqu'il doit d'abord faire la file d'attente à l'extérieur.
Profitant de la sortie d'un employé, l'homme tente d'entrer dans la succursale. Il y parvient après avoir frappé l'employé qui essaie de lui barrer le chemin. Il frappe ensuite un second employé qui se trouve à l'intérieur de la succursale. Un appel est fait au 911.
Deux policiers du SPVM arrivent sur place. Ils utilisent à deux reprises du poivre de Cayenne afin de maîtriser l'homme. Cette démarche s'avère vaine et l'homme fonce vers un des policiers en le frappant violemment au visage à de nombreuses reprises.
L'autre policier frappe l'homme aux jambes avec son bâton télescopique. Il réussit à le faire tomber en s'agrippant à son dos. En chutant, l'homme se frappe la tête sur le comptoir de service. Le policier se retrouve sous lui, son bâton télescopique au niveau du cou de l'homme.
Deux autres policiers arrivent. L'un d'eux donne plusieurs coups de poing au visage de l'homme afin de parvenir à le maîtriser.
Plusieurs policiers arrivent ensuite successivement. Au total, l'intervention de plus d'une dizaine de policiers est nécessaire pour réussir à maîtriser et à menotter l'homme.
Celui-ci est ensuite conduit à l'hôpital par les ambulanciers. Son état se dégrade pendant le transport et, à son arrivée, l'homme est pratiquement inconscient.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, les policiers sont intervenus à la suite d'un appel pour un homme qui aurait agressé un employé. Considérant l'attitude agressive et combative de l'homme, le fait qu'il avait déjà frappé plusieurs personnes, qu'il semblait insensible à la douleur et inépuisable, l'utilisation de la force était nécessaire afin de l'arrêter et de protéger la sécurité et la vie des agents et des autres personnes sur les lieux. L'intervention d'une dizaine de policiers a d'ailleurs été requise pour parvenir à maîtriser et à menotter l'homme.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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