Enquête indépendante sur l'événement survenu à Lévis le 5 juillet 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 12 mai 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Lévis le 5 juillet 2024 entourant les blessures subies par une femme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé la personne blessée des motifs de la décision.
Événement
Le 5 juillet 2024, deux agents de la SQ, qui sont sur la fin de leur quart de travail, interviennent auprès d'un homme en situation de crise. L'intervention se déroule sans incident et l'agente indique que son collègue maîtrise la situation. L'homme est transporté en ambulance à l'hôpital accompagné de l'agente pendant que son partenaire suit l'ambulance dans son autopatrouille.
Vers 7 h 06, l'ambulance ainsi que l'autopatrouille circulent à Lévis, les lumières des véhicules sont éteintes et la limite de vitesse est respectée. Soudainement, le véhicule autopatrouille dévie de sa trajectoire sur la gauche et percute un poteau de signalisation. Le poteau se décroche de sa base pour venir percuter un autobus de la Société de transport de Lévis qui circule sur le même boulevard, mais en direction inverse. La vitre du côté conducteur de l'autobus est violemment transpercée par le poteau, heurtant la conductrice de l'autobus. Le dossier ne comporte aucune explication de l'agent impliqué sur la cause de l'accident1. Cependant, un témoin présent à la suite de l'accident indique que l'agent qui conduit le véhicule verbalise s'être endormi au volant.
La conductrice de l'autobus est transportée à l'hôpital pour traiter des blessures graves.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Dans ce dossier, les témoins présents lors de l'intervention initiale affirment que l'agent est en contrôle de la situation, aucun élément de preuve ne permet de conclure qu'il n'est pas en mesure d'accomplir ses fonctions. La preuve vidéo analysée ne permet pas de constater que l'agent conduit de façon dangereuse pour le public avant qu'il percute le terre-plein avec son véhicule. Le facteur contributif de l'accident est identifié comme étant la manœuvre du conducteur du véhicule de patrouille alors qu'il s'endort au volant. La preuve recueillie ainsi que l'expertise produite permettent de conclure que les blessures subies par la femme ont été causées par la collision du véhicule de patrouille avec le poteau de signalisation. Dans les présentes circonstances, le geste involontaire de l'agent, soit qu'il s'est endormi au volant, ne peut constituer une conduite dangereuse causant des lésions corporelles.
À la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la SQ dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
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1 Depuis la décision de la Cour d'appel le 30 avril 2024 (PGQ c. Fédération des policiers et policières municipaux du Québec et al.), les policiers impliqués n'ont plus l'obligation de rédiger un compte rendu sur les faits survenus lors de l'événement à l'intention du BEI devant ensuite être transmis par le corps de police au BEI en vertu du Règlement sur les enquêtes indépendantes. Ainsi, dans ce dossier, ayant déjà obtenu les comptes rendus des policiers impliqués, le BEI a retiré ceux-ci du dossier, celui-ci ayant été soumis au DPCP après le 30 avril 2024. |
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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