Enquête indépendante sur l'événement survenu à Gatineau le 23 octobre 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 3 sept. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Gatineau le 23 octobre 2024 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Les événements à l'origine de cette enquête débutent le 23 octobre 2024, aux alentours de 22 h, alors qu'un homme quitte son domicile sans informer ses colocataires de sa destination et sur la raison de son déplacement.
À 23 h, il transmet à une connaissance un message texte contenant des informations personnelles sans autre détail.
Vers 23 h 50, l'homme fait un appel au service d'urgence 9-1-1. Il dira qu'il a trouvé une main humaine coupée dans un sac à dos dans un abribus.
Vers 23 h 56, un agent du SPVG se présente à l'arrêt d'autobus. Il rencontre l'homme qui lui explique avoir trouvé une main humaine dans un sac à dos se trouvant dans l'abribus. Comme il fait froid et que l'homme n'est pas habillé chaudement, l'agent l'invite à prendre place à l'arrière de son véhicule de patrouille pour rester au chaud, ce qu'il fait.
Puis, l'agent se dirige vers l'abribus et y découvre un sac à dos. Il l'ouvre, mais n'y voit rien qui ressemble à une main. Avant d'avoir le temps de se retourner, il est agressé au couteau par-derrière sans avertissement par l'homme, qui avait quitté le véhicule. L'agent est coincé au fond de l'abribus par l'homme l'attaquant par-derrière et lui bloquant la sortie. Dans ses efforts pour se dégager de l'emprise de l'homme, l'agent tombe au sol. Il est toutefois en mesure de demander de l'aide avec son radio-transmetteur.
Deux agents qui étaient à proximité arrivent sur place en une vingtaine de secondes. Ils constatent que leur collègue est à plat ventre et subit l'agression de l'homme qui est sur lui. Ils intiment l'homme d'arrêter l'agression, sans succès. Étant contraints d'agir rapidement, les deux agents tirent huit coups de feu en direction de l'homme qui est atteint par six d'entre eux. Il tombe inerte à côté de l'agent déjà au sol.
Les deux agents débutent immédiatement les manœuvres de réanimation sur l'homme, mais celles-ci demeureront vaines. Les premiers répondants, des pompiers dont la caserne est située à proximité, arrivent sur les lieux vers 0 h 08. Deux duos d'ambulanciers arrivent une minute plus tard et prennent la relève. Rapidement, ils constatent l'absence de signes vitaux de l'homme et s'occupent du policier blessé.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant le danger imminent auquel leur collègue faisait face, l'arme utilisée par l'homme et son défaut d'obtempérer à de nombreuses reprises, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour la protection de leur collègue et de la leur contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVG impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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