Attention aux lettres anonymes
MONTRÉAL, le 18 déc. 2025 /CNW/ - Le Conseil de presse du Québec publie aujourd'hui cinq décisions concernant des plaintes qu'on lui a soumises. Il en a retenu quatre, en tout ou en partie, et a rejeté la cinquième.
D2024-12-108 : Marcel Chouinard c. Nelson Sergerie et Radio CHNC FM
Le Conseil de presse retient la plainte de Marcel Chouinard et blâme le journaliste Nelson Sergerie et Radio CHNC FM pour avoir omis de vérifier la fiabilité des informations transmises par une lettre anonyme dans l'article « Un garage de Gaspé ciblé au niveau environnemental », diffusé le 31 octobre 2024.
L'article visé par la plainte rapporte qu'une lettre anonyme reçue à la station de radio gaspésienne dénonce de la pollution visuelle et environnementale d'un garage local. Le propriétaire du garage conteste ces accusations. L'article ajoute que la Ville de Gaspé effectuera des vérifications.
Le Conseil constate : « Le journaliste rapporte dans son texte le contenu de la lettre anonyme, qui est le sujet central du reportage, sans avoir pris les moyens raisonnables pour en évaluer la fiabilité. Le propriétaire du garage, qu'il a contacté, nie la pollution environnementale, tandis que le directeur général de la Ville affirme qu'une précédente vérification n'a donné lieu à aucun avis d'infraction. Des vérifications additionnelles étaient donc nécessaires. »
Bien que le média qualifie la personne qui a écrit la lettre d'anonyme de lanceur d'alerte, le Conseil conteste cette affirmation, puisque le média affirme lui-même qu'il ne connaît pas l'identité de l'auteur de la lettre. « [I]l y a une distinction primordiale, en matière de déontologie, entre une source anonyme inconnue du journaliste et une source confidentielle. Une source anonyme est une source dont le journaliste ignore l'identité, tandis qu'une source confidentielle est une personne dont le journaliste connaît l'identité, mais ne la révèle pas au public pour la protéger. »
Le Conseil poursuit : « En déontologie journalistique, il est fondamental de pouvoir évaluer la fiabilité des informations transmises par sa source [...] Le fait que le journaliste et le média ne connaissent pas l'identité de la personne qui a écrit la lettre anonyme rend impossible l'évaluation de la fiabilité des informations transmises par cette personne, ce qui est de toute première importance. »
Le Conseil retient donc le grief de manque de fiabilité des informations transmises par les sources, soulignant que « le journaliste n'a pas pris les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par une personne dont il ignorait l'identité qui lui a transmis une lettre anonyme. Il n'a procédé à aucune vérification sur le terrain, n'a consulté aucun spécialiste et n'a interrogé aucun des témoins potentiels, alors que plusieurs éléments d'information auraient dû l'inciter à effectuer des vérifications supplémentaires, d'autant plus qu'il n'y avait aucune urgence à publier cette nouvelle. »
Le Conseil retient également le grief de manque d'identification des sources, mais rejette deux griefs d'informations inexactes, faute de preuves.
D2025-02-019 : Chantal Méthot c. Nelson Sergerie et Radio CHNC FM
Dans un second dossier visant le journaliste Nelson Sergerie et la Radio CHNC FM, le Conseil de presse retient la plainte de Chantal Méthot et blâme le journaliste et le média pour avoir manqué d'équilibre dans l'article « Une enseignante aurait mis des élèves à genoux à Cap-d'Espoir », mis en ligne sur le site Internet de la station le 23 janvier 2025.
L'article visé par la plainte rapporte qu'une enseignante de 1re année dans une école de la Gaspésie, « aurait forcé deux élèves à se mettre à genoux, mains dans le dos et le visage au mur par mesure disciplinaire ». Une enquête du Centre de services scolaire venait pourtant de conclure que ces allégations n'étaient pas fondées.
Le Conseil juge que le journaliste et le média ont manqué à leur devoir de présenter une juste pondération du point de vue des parties en présence en n'offrant pas à l'enseignante visée par les allégations la possibilité de donner sa version des faits. Dans sa décision, le Conseil explique : « La nouvelle portant sur des allégations graves qui la visent directement et soulèvent un doute sur son intégrité professionnelle, [l'enseignante] est clairement une partie en présence, d'autant plus qu'elle est nommée, tout comme l'école où elle enseigne. Il ne fait donc aucun doute qu'il fallait tenter d'obtenir le point de vue de la principale intéressée. D'ailleurs, si le journaliste avait joint [l'enseignante], il aurait pu apprendre que l'enquête du [Centre de services scolaire René-Lévesque] concernant la plainte à son égard avait été complétée le 21 janvier 2025, soit deux jours avant la publication de son reportage, et que l'enquête avait conclu que la plainte était sans fondement. [...] Le choix du centre de services scolaire de ne pas commenter le dossier lui appartient, mais le journaliste ne devait pas arrêter là ses démarches. Ce refus ne justifie pas la décision du journaliste de ne pas contacter l'enseignante directement, ce qu'il a reconnu ne pas avoir essayé. Il avait le devoir déontologique de tenter d'obtenir sa version concernant les faits qui lui sont reprochés dans l'article. »
D2024-12-115 : Lynn Naji c. Joel Ceausu et The Canadian Jewish News
Le Conseil de presse retient la plainte de Lynn Naji et blâme le journaliste Joel Ceausu et The Canadian Jewish News pour avoir fait preuve de sensationnalisme dans l'article « Benjamin Netanyahu burned in effigy in Montreal during a Friday night riot », mis en ligne le 24 novembre 2024.
Le paragraphe visé par la plainte rapporte que le 21 novembre 2024, des grèves étudiantes et des manifestations en soutien à la Palestine ont eu lieu dans plusieurs établissements scolaires à travers le Québec, dont à l'Université Concordia, où une personne a été filmée en train de faire le salut nazi et de parler de la venue de la « solution finale », une expression nazie utilisée pour décrire l'élimination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le Conseil juge que le journaliste et le média ont fait preuve de sensationnalisme en rapportant que « some people were filmed performing Nazi salutes and warning Jewish counter-demonstrators of the coming "final solution" ».
« [À] la lecture de la phrase visée par la plainte, qui fait mention que "certaines personnes ("some people") ont été filmées en train de faire le salut nazi et d'avertir les contre-manifestants juifs de la venue de la 'solution finale'", phrase rédigée au pluriel, le lecteur comprend qu'il est possible que plusieurs manifestants aient été vus commettant ces gestes antisémites, alors que les vidéos qui circulaient semblaient viser une seule femme. [...] L'utilisation d'une expression imprécise comme « some people were filmed performing Nazi salutes », alors que seule une personne avait été filmée commettant ces gestes haineux, est une exagération de la réalité. De plus, elle laisse présager un mouvement plutôt qu'un cas isolé. Dans un contexte aussi sensible que le conflit entre Israël et le Hamas et devant des gestes haineux aussi graves, le journaliste se devait d'être précis, pour ne pas laisser croire à un mouvement antisémite alors qu'il n'en était rien. Dans ce contexte, utiliser l'expression "some people were filmed performing Nazi salutes" plutôt que "one person was filmed performing a Nazi salute" déforme la réalité de façon abusive et représente donc du sensationnalisme. »
D2024-12-117 : Debbie Hubbard c. Joel Goldenberg et The Suburban
Le Conseil de presse retient la plainte de Debbie Hubbard et blâme le journaliste Joel Goldenberg et l'hebdomadaire The Suburban pour avoir fait preuve de sensationnalisme dans l'article « Déry orders probe into anti-Israel intimidation at CEGEPs », publié et mis en ligne le 4 décembre 2024.
L'article visé par la plainte rapporte que, dans la foulée des grèves étudiantes et des manifestations qui se sont déroulées à la fin septembre 2024 dans de nombreux cégeps et universités du Québec, en lien avec la guerre à Gaza, la ministre de l'Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, a annoncé qu'elle avait « officiellement mandaté le ministère d'enquêter sur les mécanismes de gouvernance en place dans les cégeps [anglophones de Montréal] Dawson et Vanier pour voir s'ils ont pris toutes les mesures à leur disposition pour garantir la sécurité physique et psychologique des étudiants ».
Le Conseil juge que le journaliste et le média ont fait preuve de sensationnalisme en affirmant que la ministre Déry aurait demandé une enquête dans les cégeps Vanier et Dawson portant sur « l'intimidation anti-Israël ». « En parlant d'intimidation anti-Israël, le journaliste déforme de façon abusive la déclaration de la ministre Pascale Déry, qui a plutôt parlé d'un climat tendu sur les campus des cégeps Dawson et Vanier, sans pointer l'une ou l'autre des communautés étudiantes impliquées. Dans un contexte aussi sensible, le journaliste se devait de rapporter la réalité telle qu'exprimée par la ministre. »
Le Conseil retient également un grief de partialité et un grief d'absence de correctif dans ce dossier.
D2025-02-008 : Dominique Bellemare c. Sarah-Maude Lefebvre et Le Journal de Montréal
Le Conseil de presse rejette la plainte de Dominique Bellemare visant l'article « Alcool, virées à l'hôtel, homards et même des chats aux frais des contribuables de Beauharnois », de la journaliste Sarah-Maude Lefebvre, publié le 17 janvier 2025 dans Le Journal de Montréal et sur le site Internet du quotidien.
L'article visé par la plainte s'attarde à des dépenses effectuées par la direction générale de la Ville de Beauharnois, en Montérégie. La journaliste révèle des dépenses d'alcool servi lors d'activités d'employés, des frais à l'Auberge Handfield pour une réunion réunissant élus et hauts fonctionnaires, des repas au restaurant et des dépenses pour deux chats qui vivent à l'hôtel de ville.
Alors que le plaignant soutient que le titre de l'article « laisse le lecteur penser que les employés et élus de Beauharnois ont un "bar open" sur le dos des contribuables, alors qu'il n'en est rien », le Conseil rejette le grief de sensationnalisme, affirmant que le titre « ne déforme pas abusivement la réalité, puisqu'il y a effectivement eu de l'alcool, au moins une virée à l'hôtel, un repas contenant du homard et la présence de chats à l'hôtel de ville. Chacun de ces éléments correspond à une dépense présentée et documentée dans l'article ».
Le Conseil rejette également quatre griefs d'informations inexactes dans ce dossier.
À propos
Le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, qui œuvre depuis 1973 à la protection de la liberté de la presse et à la défense du droit du public à une information de qualité. Son action s'étend à tous les médias d'information distribués ou diffusés au Québec, qu'ils soient membres ou non du Conseil, qu'ils appartiennent à la presse écrite ou électronique. Le Conseil reçoit les plaintes du public et rend des décisions relativement à la déontologie journalistique. Mécanisme d'autorégulation de la presse, le Conseil ne peut être assimilé à un tribunal civil, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire, législatif ou coercitif; il n'impose aucune sanction autre que morale.
Le Conseil de presse remercie Cision d'avoir rendu possible l'envoi de ce communiqué.
SOURCE CONSEIL DE PRESSE DU QUEBEC

Caroline Locher, secrétaire générale, Conseil de presse du Québec, [email protected]
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