Même les chroniqueurs doivent vérifier leurs sources
MONTRÉAL, le 26 juin 2025 /CNW/ - Le Conseil de presse du Québec publie aujourd'hui quatre décisions concernant des plaintes qu'on lui a soumises. Dans une de ces décisions, le chroniqueur et le média sont blâmés, alors que dans les trois autres décisions, les plaintes sont rejetées.
Le Conseil de presse retient les plaintes de Samuel Turcotte, de Frédéric Jolly et de Khalil Hebib et blâme le chroniqueur Joseph Facal et Le Journal de Montréal concernant un manque de fiabilité des informations transmises par les sources. Les plaintes visaient la chronique « Imane Khelif : la boxeuse était bien un boxeur! », publiée le 5 novembre 2024.
Dans ce texte, M. Facal revient sur la polémique entourant la boxeuse algérienne Imane Khelif, qui a remporté la médaille d'or dans la catégorie des moins de 66 kilos aux Jeux olympiques de Paris en août 2024. Le chroniqueur soutient qu'un journaliste, Djaffer Ait Aoudia, du média Le Correspondant, aurait « mis la main sur un rapport » qui démontrerait, selon M. Facal, qu'elle est « un homme biologique ». Or, ledit rapport n'a jamais été confirmé, ni les informations transmises par M. Ait Aoudia corroborées.
Joseph Facal a répondu aux plaintes adressées au Conseil de presse en soutenant qu'en écrivant que « la boxeuse était bien un boxeur », il émettait une opinion, mais l'allégation que la boxeuse est un homme est plutôt présentée comme un fait avéré dès l'amorce de sa chronique, « Il suffisait d'attendre et la vérité finirait par émerger. », suivie du surtitre « Vérité » en caractères gras. Le titre de la chronique lui-même est sans équivoque : « Imane Khelif : la boxeuse était bien un boxeur! » Le Conseil affirme, dans sa décision : « Tout cela a pour effet d'induire le lecteur en erreur en présentant cette affirmation comme une révélation scientifique irréfutable. Dès lors qu'une information est présentée comme s'il s'agissait d'un fait véritable, les journalistes doivent "prendre les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité", tel que le stipule le Guide [de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec]. »
Le Conseil explique dans sa décision qu'une lecture attentive du reportage de Djaffer Ait Aoudia sur lequel se base Joseph Facal « permet de déceler plusieurs éléments qui mettent en doute sa fiabilité ».
Au terme d'une analyse en plusieurs étapes où sont examinées une à une les sources citées par M. Facal, le Conseil conclut : « [F]orce est de constater que le chroniqueur Joseph Facal n'a pas pris les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par ses sources à propos du rapport d'endocrinologues non corroboré sur la boxeuse Imane Khelif dont il est question dans sa chronique. [...] De nombreux faits [...] nécessitaient d'être vérifiés de manière rigoureuse avant de présenter comme une "vérité" l'allégation qu'Imane Khelif est "un homme biologique" et que "la boxeuse était bien un boxeur", ce que le chroniqueur a négligé de faire. Bien que les chroniqueurs d'opinion disposent d'une grande latitude pour présenter leur perspective, ils ont le devoir primordial de vérifier la fiabilité des informations transmises par leurs sources au même titre que les journalistes factuels. »
D2024-10-076 : Jason Keays c. Stéphan Bureau, l'émission « Mario Dumont » et QUB Radio
Le Conseil de presse rejette la plainte de Jason Keays visant l'intervention de Stéphan Bureau le 8 octobre 2024 dans le cadre de l'émission « Mario Dumont », à QUB Radio, concernant le grief d'information inexacte.
Dans le segment visé par la plainte, Stéphan Bureau expose la théorie d'Elon Musk, qui venait alors d'annoncer son soutien au candidat républicain à la présidence américaine, Donald Trump, voulant que l'élection de 2024 pourrait être « la dernière élection présidentielle » en raison des flux migratoires et de la régularisation des immigrants non documentés.
Alors que le plaignant considère qu'il est faux d'affirmer « que le Parti démocrate facilite l'immigration illégale afin de les transformer [les immigrants non documentés] en électeurs », le Conseil constate que, dans l'extrait de l'émission visé par la plainte, Stéphan Bureau rapporte les prétentions d'Elon Musk et qu'il les expose comme telles. « Lorsque le chroniqueur parle de la théorie "un peu paranoïaque de M. Musk", il signale que cette thèse est à vérifier. Il ne la valide pas, bien au contraire, il souligne qu'elle doit être considérée avec précaution. »
D2024-11-086 : Stéphane Boucher c. Jean-Christophe Laurence, La Presse et l'Agence France-Presse
Le Conseil de presse rejette la plainte de Stéphane Boucher visant le texte « "Un cocktail d'antisémitisme et de hooliganisme" », du journaliste Jean-Christophe Laurence, publié dans La Presse le 13 novembre 2024, concernant un grief d'information inexacte. Le texte visé par la plainte s'appuie entre autres sur des informations provenant de l'Agence France-Presse (AFP), qui est aussi mise en cause.
Dans cet article annonçant que le gouvernement français appréhende le match de soccer de la Ligue des Nations entre Israël et la France prévu à Paris le jeudi 14 novembre 2024, à la suite des violences survenues à Amsterdam une semaine plus tôt après un match de la ligue de soccer Europa entre les équipes Ajax Amsterdam et Maccabi Tel-Aviv, le journaliste rapporte que « des supporteurs du Maccabi Tel-Aviv ont été pourchassés et battus dans les rues de la capitale néerlandaise ». Une information jugée inexacte par le plaignant, qui soutient que « ce sont les supporteurs du Maccabi qui ont attaqué ».
« Le passage que cible le plaignant [...] n'est pas inexact, tranche le Conseil dans sa décision. En effet, des actes de violence à l'égard des supporteurs du Maccabi Tel-Aviv ont été confirmés par le service de police des Pays-Bas dans son blogue en direct relatant les événements survenus dans la nuit du 7 au 8 novembre 2024. [...] Il n'y a donc pas d'inexactitude dans le passage en cause puisque les supporteurs du Maccabi Tel-Aviv ont bel et bien été victimes de violence, selon cette source officielle. [...] L'article rapporte également les provocations initiales commises par les supporteurs israéliens, comme le fait d'avoir "déchiré un drapeau palestinien dans les rues d'Amsterdam, scandé des slogans racistes anti-arabes et attaqué un taxi avec leurs ceintures, en plus de ne pas respecter la minute de silence réclamée le soir du match". »
Le Conseil de presse rejette la plainte d'Iyad AbuHamed portant sur l'article « Montréal donne congé de taxes à un centre où un activiste célèbre les attaques terroristes contre Israël », du journaliste Jean-François Cloutier, publié dans Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec et sur le site Web de TVA Nouvelles le 7 octobre 2024. La plainte contenait des griefs de manque d'équilibre et de sensationnalisme.
Dans ce texte de journalisme factuel, on rapporte que l'Association musulmane du Canada (AMC) a obtenu une exemption de taxes municipales de la part de la Ville de Montréal, alors que l'un de ses dirigeants, Iyad AbuHamed, « a célébré ouvertement les attaques du 7 octobre 2023 en Israël et fait l'apologie du groupe terroriste Hamas ».
Concernant le manque d'équilibre dénoncé par le plaignant, le Conseil fait valoir dans sa décision que « bien que le plaignant reproche à M. Cloutier d'avoir manqué à son devoir d'équilibre "en séparant les réponses de M. AbuHamed des allégations", cela ne constitue pas un manquement à la déontologie journalistique. [...] Le journaliste [...] avait le loisir de présenter les réponses de M. AbuHamed aux diverses allégations faites à son endroit dans l'ordre qu'il jugeait pertinent, pourvu que son point de vue soit rapporté de façon équilibrée. [...] Par ailleurs, le journaliste n'avait aucune obligation d'intégrer à la version Web de son article les hyperliens menant aux publications du plaignant sur les réseaux sociaux, comme ce dernier l'aurait souhaité. »
D'autre part, au sujet du sensationnalisme allégué par le plaignant, on souligne dans la décision : « Comme la définition du mot "djihad" utilisée par le journaliste ne déformait en rien la réalité et que l'interprétation que fait M. AbuHamed du djihad est ensuite rapportée dans ses propres mots, l'expression "guerre sainte" n'était pas sensationnaliste. »
À propos
Le Conseil de presse du Québec est un organisme privé, à but non lucratif, qui œuvre depuis plus de 50 ans à la protection de la liberté de la presse et à la défense du droit du public à une information de qualité. Son action s'étend à tous les médias d'information distribués ou diffusés au Québec, qu'ils soient membres ou non du Conseil, qu'ils appartiennent à la presse écrite ou électronique. Le Conseil reçoit les plaintes du public et rend des décisions relativement à la déontologie journalistique. Mécanisme d'autorégulation de la presse, le Conseil ne peut être assimilé à un tribunal civil, il ne possède aucun pouvoir judiciaire, réglementaire, législatif ou coercitif; il n'impose aucune sanction autre que morale.
Le Conseil de presse remercie Cision d'avoir rendu possible l'envoi de ce communiqué.
SOURCE CONSEIL DE PRESSE DU QUEBEC

RENSEIGNEMENTS : Caroline Locher, secrétaire générale, Conseil de presse du Québec, [email protected]
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