Enquête indépendante sur l'événement survenu à Victoriaville le 6 juin 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 1er août 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Victoriaville le 6 juin 2024 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 6 juin 2024, à partir de 17 h 55, trois appels distincts sont faits au 911 concernant le même homme qui tient des propos incohérents et qui est agité. L'homme visite d'abord un établissement municipal dans lequel il lance des objets qui s'y trouvent. Il quitte ensuite vers un immeuble à logements locatifs dans lequel il s'introduit de force et en ressort quelques minutes plus tard. Il y cause des dommages matériels. Il s'introduit ensuite dans un dépanneur, à l'intérieur duquel il renverse plusieurs présentoirs de produits de manière violente, en criant et en lançant des items. Il prend une tablette de métal qui s'est détachée d'une étagère et l'utilise pour frapper les items qui se trouvent devant lui.
Un agent se trouve à ce moment sur les lieux. Il se place au seuil de la porte d'entrée du dépanneur et tient celle-ci pour la maintenir ouverte. Il fait signe au commis qui travaille à l'intérieur de sortir. Une fois le commis évacué, l'agent retire sa main de la porte, qui commence à se refermer. L'homme se dirige ensuite rapidement vers cette même porte. Il la pousse, puis trébuche au sol pendant sa sortie. Deux policiers qui se trouvent à l'extérieur le maîtrisent, le menottent et le placent en position latérale de sécurité. Un troisième agent se joint à eux.
Une ambulance avait déjà été appelée par les policiers à 18 h 07. L'homme tente de se défaire de l'emprise des agents. Il crie, grogne, et sue abondamment. Il se cogne volontairement la tête contre le sol et crache. Les policiers installent des contentions à ses jambes et tentent de le calmer en attendant l'arrivée de l'ambulance. D'autres agents arrivent sur place durant l'intervention. L'homme ne collabore pas et continue de se débattre. À un certain moment, un sac anti-crachat est installé, puis retiré. Un agent s'enquiert sur les ondes du délai d'arrivée de l'ambulance. Quelques minutes plus tard, un autre agent demande sur les ondes de qualifier la demande de délirium agité, afin que l'appel soit priorisé par les services ambulanciers et pour favoriser une arrivée plus rapide.
L'ambulance arrive sur les lieux à 18 h 15. Avec l'aide des agents, l'homme est installé sur la civière. Trois policiers accompagnent les ambulanciers durant le transport, et un véhicule de patrouille les suit. Durant le transport, l'homme demeure très agité. Il se mord la langue et grince fortement des dents.
L'homme arrive à l'hôpital à 18 h 30 et est vu par une équipe médicale à 18 h 40. Peu de temps après, sa respiration devient plus lente et son rythme cardiaque diminue, puis arrête. Des manœuvres de réanimation sont effectuées. Le défibrillateur est utilisé à 4 reprises, accompagné de massages cardiaques. Une proche de l'homme est contactée et se rend à l'hôpital. Les manœuvres cessent à 19 h 52, et son décès est constaté.
Le rapport d'autopsie attribue la cause du décès à une polyintoxication aux drogues d'abus stimulantes.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. Les policiers avaient des motifs raisonnables et probables de croire que plusieurs infractions avaient été commises par un homme qui se trouvait en état de délire et qui agissait avec violence. L'un d'entre eux a d'ailleurs été témoin du saccage commis à l'intérieur du dépanneur. Les policiers sont intervenus auprès de l'homme dans le but de lui porter assistance en attendant l'arrivée de l'ambulance, vu son état mental perturbé. Ils ont également tenté d'arrêter la commission d'infractions et de protéger le public qui se trouvait à proximité.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Les policiers sont intervenus rapidement auprès d'un homme imprévisible qui était détaché de la réalité et non collaboratif.
La preuve révèle que l'homme était dans un état d'intoxication important et qu'un taux de concentration toxique à la cocaïne a été constaté dans les prélèvements sanguins effectués après son décès. Les témoignages recueillis révèlent également que l'homme faisait usage d'une force impressionnante. Finalement, la preuve ne révèle aucune brutalité policière ou utilisation de la force excessive. Les policiers ont plutôt agi dans le but d'interrompre ses comportements dangereux pour lui-même et pour autrui, et de lui porter assistance jusqu'à ce qu'il soit pris en charge par le personnel médical. Pendant l'intervention, les policiers ont d'ailleurs contacté à nouveau les services ambulanciers et demandé que cet appel soit priorisé, dans le but d'obtenir une assistance médicale plus rapide. Ils ont également demandé que les gyrophares de l'ambulance soient mis en fonction durant le transport ambulancier pour accélérer le déplacement. Une fois à l'hôpital, ils ont assisté l'équipe médicale dans les manœuvres de réanimation.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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