Enquête indépendante sur l'événement survenu à Sherbrooke le 21 janvier 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 22 juill. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Sherbrooke (SPS).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme survenu le 21 janvier 2024 à Sherbrooke.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 21 janvier 2024, vers 14 h 56, un appel est fait au 911 par une personne mais elle raccroche sans parler aux opérateurs. Après vérification, les opérateurs identifient la provenance de l'appel.
Vers 15 h 10, les policiers du SPS, accompagnés d'un stagiaire, se rendent sur les lieux pour procéder à une vérification. Lorsqu'ils arrivent devant la porte de l'appartement duquel l'appel provenait, un homme ouvre la porte de son appartement qui se trouve de l'autre côté du couloir. Il se tient debout dans l'embrasure de la porte.
Il demande aux policiers la raison de leur présence sur les lieux, tout en restant à l'intérieur de son appartement et en gardant la main sur la poignée de sa porte. Les policiers ordonnent à l'homme de rentrer chez lui, mais il répond qu'il est chez lui et explique qu'il est le propriétaire de l'immeuble. Les policiers lui ordonnent de nouveau de rentrer chez lui, mais l'homme ne bouge pas.
À ce moment, l'un des policiers indique à l'homme que son comportement entrave leur travail et que s'il continue, il sera arrêté pour entrave au travail des policiers. L'homme ne bouge toujours pas de l'embrasure de sa porte. Les policiers le mettent alors en état d'arrestation et lui ordonnent de fournir une pièce d'identité.
À ce moment, l'homme se tourne vers l'intérieur de son appartement et lâche la poignée de sa porte, ce qui provoque un mouvement de la porte, similaire à celui observé lorsqu'une porte se ferme. L'un des policiers saisit alors le bras de l'homme pour le maitriser. Ce dernier est dos au policier et perd l'équilibre vers l'arrière. Il se débat et le second policier assiste son collègue afin de maitriser l'homme. L'intervention se poursuit alors dans l'appartement de l'homme. Une femme s'y trouve et elle s'approche, mais l'un des policiers l'éloigne avec un coup de pied.
Les policiers demandent au stagiaire de fermer la porte de l'appartement de l'homme.
Les policiers ont de la difficulté à maitriser l'homme. Rapidement, l'homme mentionne avoir des pincements au cœur, et ce, à plusieurs reprises. Les policiers lui expliquent que s'il cesse de résister, ils vont l'asseoir et lui donner de l'eau.
L'homme continue de résister et les policiers tentent de le déséquilibrer pour parvenir à saisir son deuxième bras, ce qui provoque une chute de l'homme qui se retrouve au sol.
À ce moment, l'homme demande à la femme de contacter le 911, Lors de l'appel, elle mentionne que l'homme à des douleurs au cœur et que des individus maltraitent l'homme. Au même moment, les policiers demandent au stagiaire d'expliquer à la femme qu'ils sont de véritables policiers. Après quelques questions, l'opérateur du 911 informe la femme que les hommes dans l'appartement sont de vrais policiers et qu'elle doit les laisser effectuer leur travail.
Lors de l'intervention l'homme est projeté vers l'avant et son thorax heurte la structure du divan ce qui lui coupe le souffle. L'homme est finalement maitrisé et menotté par les policiers. Par après, un sergent arrive sur les lieux et une ambulance est appelée. Un peu avant l'arrivée de l'ambulance, l'homme se couche sur le divan et sa respiration devient difficile.
Vers 15 h 35, l'homme est transporté par ambulance et est admis à l'hôpital vers 16 h 45. Le rapport médical indique qu'il a souffert d'un infarctus.
Après l'intervention, les policiers apprennent que l'appel au 911 a été effectué par inadvertance par une personne dans l'immeuble.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux paragraphes 25(1) et 25(4) du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maitriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes, en vertu de l'article 48 de la Loi sur la police. Les policiers sont intervenus afin de procéder à une vérification à la suite d'un appel au 911, alors que la personne ayant contacté les services d'urgence avait raccroché sans expliquer la situation. Au moment de leur arrivée sur les lieux, les policiers ne connaissaient pas la cause de l'appel et donc pouvaient raisonnablement craindre qu'une personne puisse potentiellement être en danger.
Afin de procéder à la vérification en toute sécurité, les policiers devaient s'assurer que l'homme referme la porte de son appartement. Ils en ont fait la demande à plusieurs reprises. Considérant que l'homme n'obtempérait pas aux ordres donnés, les policiers pouvaient légalement mettre l'homme en état d'arrestation sans mandat, puisqu'il entravait leur travail (articles 129 a) et 495 du Code criminel).
La preuve révèle que lorsqu'ils mettent l'homme en état d'arrestation, les policiers lui demandent d'aller chercher une pièce d'identité. À ce moment, l'homme se tourne vers l'intérieur de l'appartement, ce qui entraine un mouvement de la porte similaire à celui qui se produit lorsqu'une porte se ferme. Les policiers pouvaient raisonnablement considérer ce mouvement de la porte comme une tentative de se soustraire à l'arrestation.
Dans ce contexte, les policiers pouvaient utiliser la force pour procéder à l'arrestation de l'homme, puisqu'ils avaient des motifs raisonnables de croire que ce dernier tentait de s'y soustraire. De plus, la force utilisée n'était pas excessive, puisque les policiers ont utilisé celle nécessaire afin de parvenir à maitriser l'homme qui résistait.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPS impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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