Enquête indépendante sur l'événement survenu à Trois-Rivières le 2 novembre 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 30 juill. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de la sécurité publique de Trois-Rivières (SSPTR).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Trois-Rivières le 2 novembre 2024 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 2 novembre 2024, à 20 h 58, un appel au 911 est fait pour un homme intoxiqué au fentanyl et qui est en crise dans sa résidence. L'appelante est une proche de l'homme. Elle indique que l'homme est agressif, mais qu'elle est en sécurité à l'extérieur.
Vers 21 h 06, un duo de policiers arrive sur les lieux. L'appelante va à leur rencontre. Deux enfants et un adolescent sont également avec elle. Elle indique aux policiers que l'homme est seul à l'intérieur et qu'il les attend. Il n'est pas favorable à leur venue. Bien qu'elle hésite, l'appelante ne croit pas avoir mentionné aux policiers la présence d'une arme dans la résidence. Elle se réfugie ensuite avec les enfants, tandis que l'adolescent s'éloigne dans le stationnement. Les policiers cognent ensuite à la porte arrière et entrent dans la résidence.
À 21 h 09 min 25 s, l'un des policiers indique sur les ondes radio la présence d'une carabine sur place. À ce moment, l'homme pointe une arme à feu de calibre 12 sur un policier et se dirige vers lui en dépit des ordres de lâcher son arme. La preuve semble également démontrer que le policier visé tente en vain d'utiliser son arme à impulsion électrique (AIE). L'autre policier fait alors feu à quatre reprises avec son arme de service en direction de l'homme qui est atteint par trois projectiles dans le dos. Presque immédiatement, à 21 h 09 min 40 s, il avise sur les ondes radio que des coups de feu ont été tirés. Il mentionne que seul l'homme est atteint et demande aussitôt une ambulance sur place.
Dans les instants qui suivent, d'autres policiers se présentent et sécurisent les lieux. Ils s'occupent également des proches en état de choc.
À 21 h 15, un premier duo d'ambulanciers arrive et entreprend des manœuvres de réanimation auprès de l'homme. Un second duo se présente en renfort à 21 h 22.
À 21 h 41, l'homme est transporté vers un centre hospitalier où son décès est constaté par un médecin à 22 h 12.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention des policiers était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Ces derniers répondaient à un appel au 911 d'une proche qui s'inquiétait pour l'état de santé et la sécurité d'un homme en crise.
L'intervention à l'intérieur de la résidence s'est déroulée très rapidement. Les policiers se sont trouvés face à un homme armé qu'ils savaient en crise et intoxiqué au fentanyl. Cet homme représentait un risque grave et immédiat pour les policiers. De fait, l'usage d'une arme à feu de calibre 12 est susceptible de causer la mort ou des blessures corporelles graves. Les tentatives de désescalade n'ont pas porté fruit. L'homme n'obtempérait pas aux ordres des policiers et l'utilisation ou la tentative d'utilisation de l'AIE n'a pas fonctionné.
De plus, l'espace était exigu et une position de repli était difficilement envisageable pour les policiers. Il n'y avait aucune barricade à proximité pour échapper à un coup de feu potentiel.
L'autopsie du corps de l'homme permet de conclure que le décès est attribuable à un traumatisme thoracique par arme à feu. Trois projectiles d'arme à feu sont récupérés dans le thorax gauche de l'homme. Les trajectoires sont identiques, soit de l'arrière vers l'avant, du bas vers le haut et de la droite vers la gauche. Deux des projectiles ont causé des blessures mortelles, tandis que le troisième a occasionné des blessures importantes.
À la lumière de l'ensemble de la preuve, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort. Ils ont dû réagir avec rapidité pour se protéger devant une situation devenue subitement dangereuse.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SSPTR impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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