Enquête indépendante sur l'événement survenu à Trois-Rivières le 4 août 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 17 sept. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de la sécurité publique de Trois-Rivières (SSPTR).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Trois-Rivières le 4 août 2024 entourant le décès d'un homme suivant une intervention policière.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 4 août 2024, vers 17 h 53, un premier appel est fait au 911 concernant un homme se parlant seul dans un stationnement près d'un parc et d'un collège à Trois-Rivières. Selon l'appelante, l'homme serait intoxiqué et aurait des troubles de santé mentale. Vers 18 h 22, un ratissage du secteur est effectué par un policier du SSPTR et l'homme n'est pas localisé.
Vers 20 h, un deuxième appel est fait au 911 par la même appelante concernant le même homme. Il serait désorganisé, agressif, torse nu et attaquerait une statue avec divers outils. Il serait dans le parc situé derrière des résidences étudiantes d'un collège à Trois-Rivières. Vers 20 h 20, des policiers localisent l'homme qui correspond à la description donnée. L'homme se trouve dans un enclos dans lequel un autre enclos grillagé abrite une statue en métal. Un des policiers présents tente d'abord de discuter avec l'homme, ce qui ne fonctionne pas. L'homme est en possession d'un sac duquel il sort une hache et divers autres outils. Il est en sueur et tient des propos incohérents. Il monte sur la statue et tente de la briser en assenant plusieurs coups avec ses outils, notamment avec la hache. Vu les comportements de l'homme, des policiers sont appelés en renfort.
À l'arrivée des autres policiers, étant donné que l'homme ne répond pas aux verbalisations des policiers, qu'il adopte des comportements désorganisés et qu'il a en sa possession notamment une hache, un plan d'intervention évolutif est mis en place. Une dizaine de policiers sont présents sur les lieux. Une démonstration de l'arme à impulsion électrique (AIE) est effectuée vers 20 h 30. Cette tentative visant à calmer l'homme échoue. Vers 20 h 53, les policiers utilisent les bonbonnes d'aérosol capsique (poivre de Cayenne) afin d'incommoder et de calmer l'homme. Malgré des signes d'incommodation par l'aérosol capsique, l'homme continue de bouger et de tenir des propos incohérents. Une deuxième utilisation des bonbonnes d'aérosol capsique est faite. À la suite de celle-ci, l'homme ne se calme pas et continue de fouiller dans son sac. Il y prend un crochet à bois et le lance en direction des policiers. Il monte sur la statue. Il verbalise que le poivre lui fait mal. À ce moment, il réussit à décrocher un morceau de métal de la statue et le lance en direction des policiers. Il verbalise une première fois vouloir se faire tirer par les policiers.
À 21 h 14, il quitte l'enclos en tenant la hache de la main droite et marche en direction des policiers. Un coup de feu est tiré par un policier, n'atteignant pas l'homme. L'homme retourne dans l'enclos rapidement. En avançant avec des policiers armés de boucliers, deux policiers tentent de maîtriser l'homme avec des AIE. Vers 21 h 19, l'homme est atteint de deux cartouches d'AIE, mais l'effet neutralisant ne fonctionne pas. Suivant cette tentative, les policiers munis d'une AIE n'ont plus de cartouches dans leurs appareils. Sur les ondes, une demande est faite afin d'obtenir des cartouches supplémentaires.
Un plan d'intervention est mis en place et une ligne de tolérance est établie. Si l'homme sort à nouveau sans sa hache, une autre tentative d'utilisation des AIE sera faite. S'il est armé et qu'il franchit la ligne de tolérance établie, l'utilisation des armes à feu est permise.
Vers 21 h 24, l'homme mentionne à nouveau à deux reprises vouloir mourir et se faire tirer par les policiers. À 21 h 25, il sort de l'enclos tenant la hache dans sa main droite en marchant vers les policiers. Les policiers vont lui demander de déposer sa hache, mais l'homme continue de marcher dans leur direction et traverse la ligne de tolérance. Deux policiers font feu sur l'homme et celui-ci tombe au sol. Immédiatement, les policiers se rendent à proximité afin de le maîtriser et de sécuriser la scène. Des ambulanciers qui sont déjà sur place débutent les manœuvres de réanimation à 21 h 26. L'homme est transporté vers un centre hospitalier où son décès est constaté à 22 h 16.
L'autopsie pratiquée sur l'homme révèle qu'il a été atteint de deux projectiles tirés au niveau du tronc, soit au thorax droit et au niveau du pubis. Son décès est attribuable à un traumatisme thoracique par projectile d'arme à feu.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) du Code criminel précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. Les policiers devaient intervenir auprès de celui-ci afin de tenter de le désarmer et de procéder à son arrestation, puisqu'il venait notamment de commettre un méfait et une voie de fait armé en plus de constituer un danger pour autrui et pour lui-même.
La preuve révèle que l'homme armé d'une hache s'est avancé en marchant en direction des policiers. Les policiers qui ont fait feu avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection et celle de leurs collègues contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SSPTR dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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