Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saint-Barthélemy le 18 août 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 5 août 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Saint-Barthélemy le 18 août 2024 entourant le décès d'un homme et d'une femme ainsi que les blessures subies par une femme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé les proches des personnes décédées et la personne blessée des motifs de la décision.
Événement
Le 18 août 2024, vers 14 h 32, un appel est fait au 911 afin d'informer le Service de police de Repentigny qu'un vol aurait été commis par un homme et une femme au sein d'une épicerie. Il y est alors mentionné que tous deux semblent intoxiqués et qu'ils ont quitté les lieux à bord d'un véhicule immatriculé avec une plaque de l'Ontario. La femme, laquelle conduisait, a circulé sur une chaîne de trottoir et a failli heurter des piétons à sa sortie du stationnement.
Vers 14 h 40, un avis de surveillance est transmis à la SQ aux fins de demander l'assistance des policiers pour localiser les deux personnes recherchées sur l'autoroute 40, en direction est. La centrale 911 informe également les policiers que la femme serait déclarée disparue par ses proches en Ontario.
Vers 14 h 59, un policier de la SQ, patrouillant seul, localise le véhicule recherché sur l'autoroute 40, en direction est, à la hauteur du kilomètre 131. Il attend alors l'assistance de ses collègues, sans toutefois perdre de vue le véhicule recherché.
Aux alentours de 15 h 03, un second policier de la SQ intervient en support dans le but d'intercepter le véhicule en question. Avant de procéder, les policiers attendent le retour du Service de police de Repentigny relativement à l'obtention de certains détails supplémentaires associés aux sujets impliqués ainsi qu'au délit en cause. Ils continuent néanmoins de suivre le véhicule recherché.
Aux environs de 15 h 12, le véhicule suspect accélère. La poursuite débute. Vers 15 h 14, la conductrice refuse de s'immobiliser et manifeste aux policiers, par un signe de la main, qu'elle ne s'arrêtera pas. La circulation étant plutôt dense, les policiers circulent à une vitesse d'environ 80 km/h.
Une minute plus tard, les deux policiers activent les gyrophares de leurs véhicules de patrouille. À proximité de la sortie 160, toujours sur l'autoroute 40 en direction est, la femme opère brusquement un demi-tour sur le terre-plein pour se trouver en sens inverse dans cette voie, soit en direction ouest. Les policiers effectuent alors un virage au même endroit, puis circulent dans l'accotement avant de s'engager vers la voie de circulation de l'autoroute en direction ouest, et ce, afin de poursuivre le véhicule fuyard.
Parallèlement, au kilomètre 161 situé sur la voie en direction est, deux autres policiers s'affairent à installer un hérisson à pointe creuse afin de freiner le véhicule en fuite. Ils ne croiseront toutefois pas celui-ci, puisqu'il a bifurqué en sens contraire de la circulation quelques mètres plus tôt.
À 15 h 17, le véhicule suspect continue de circuler en sens inverse, au milieu de l'autoroute 40, en direction est. Tandis que le véhicule est toujours en mouvement, le passager ouvre la portière située de son côté pour ensuite la refermer. Des enregistrements vidéo réalisés par des témoins permettent de constater que les automobilistes sont contraints de se tasser rapidement sur la route pour éviter un accrochage.
Quelques secondes plus tard, près du kilomètre 157, une collision frontale survient entre le véhicule fuyard circulant en sens inverse et une camionnette circulant en direction est. Au moment de l'impact, les deux policiers chargés de la poursuite circulent toujours sur l'autoroute 40, mais en direction ouest. À 15 h 18, les secours sont immédiatement demandés sur place. L'assistance des pompiers est ensuite requise pour l'apport de pinces de désincarcération.
En arrivant sur les lieux, les policiers constatent immédiatement le décès des deux personnes impliquées dans la poursuite policière. Ils portent également assistance au conducteur et à la passagère de la camionnette, lesquels sont blessés et conduits dans un centre hospitalier afin de recevoir les soins requis par leur état de santé. L'homme et la femme décédés seront directement transportés à la morgue de Montréal. La femme gravement blessée demeurera, quant à elle, hospitalisée pendant près d'un mois.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, seulement dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans le présent dossier, la conduite des policiers impliqués lors de l'intervention ne constitue pas une conduite dangereuse au sens du droit criminel.
D'abord, l'intervention des policiers était justifiée afin de localiser une femme et un homme soupçonnés d'avoir commis un vol et d'avoir quitté les lieux, possiblement en état d'ébriété, à bord d'un véhicule d'intérêt dans une affaire de disparition. En raison de sa conduite téméraire, la conductrice représentait un danger manifeste autant pour elle‑même que pour les autres usagers de la route.
Lorsque le premier policier a identifié le véhicule suspect, il a attendu le support de ses collègues avant d'intervenir, dans un souci de sûreté. Une fois l'assistance requise obtenue, les deux policiers impliqués dans la poursuite ont par la suite suivi la femme de manière à ne pas mettre en péril la vie ou la sécurité des autres véhicules. Devant le refus de la femme de s'immobiliser, puis à la suite de son virage dangereux en sens inverse, ils l'ont suivie durant une courte période avant d'emprunter la voie de circulation en direction ouest. Rapidement, les policiers ont fait preuve de vigilance et ont adopté une approche d'intervention prudente et adaptée aux circonstances. De nombreux témoignages font état de la conduite préoccupante et dangereuse du véhicule fuyard. De plus, un enregistrement vidéo fourni par un témoin présent démontre que les policiers impliqués circulaient sur la voie opposée (direction ouest), située de l'autre côté du terre-plein central, au moment de la collision frontale entre le véhicule fuyard et la camionnette.
Le travail des policiers n'est pas en cause dans cette collision. Le rapport du reconstitutionniste produit subséquemment à l'événement comporte d'ailleurs une conclusion voulant que le principal facteur contributif à la collision est le comportement téméraire de la conductrice.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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