Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 25 avril 2025 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 9 déc. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par une femme à Montréal le 25 avril 2025.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 24 avril 2025, vers 23 h 42, une femme revient à son logement. Ce dernier est situé au deuxième étage d'un immeuble commercial à Montréal, dans un environnement mixte résidentiel et commercial, accessible par le balcon du 1er étage.
À 0 h 40, une personne demeurant dans le logement voisin fait un appel au 911 concernant une femme qui crie. Elle fait un deuxième appel au 911 à 0 h 47 concernant la même situation, en ajoutant que la femme semble lancer des objets. Elle presse les policiers d'intervenir. Au même moment, deux policiers arrivent sur les lieux et se dirigent dans les escaliers qui mènent à la porte du logement de la femme. En entrant dans la cage d'escalier, l'un d'eux crie « police » afin d'annoncer leur présence. Une fois arrivés à une distance d'environ quatre pieds de la porte du logement, ils entendent la femme arriver d'un pas ferme vers la porte, se pencher vers la cage d'escalier et pointer le canon d'une arme à feu noire vers eux.
Les policiers s'éloignent rapidement et demandent des renforts vers 0 h 50, en donnant l'information sur les ondes que la femme est armée. Plusieurs autres véhicules de patrouille se rendent sur les lieux, dont certains de l'équipe Support et interventions spécialisées (SIS) du SPVM, alors que les deux policiers déjà présents se barricadent derrière leur véhicule. Les policiers du SIS se positionnent sur et sous le viaduc situé près du logement, ainsi que dans la cage d'escalier menant au logement.
Pendant ce temps, la femme continue de crier et de se déplacer dans son logement avec son arme à la main. Elle enjambe la fenêtre située à gauche du balcon de son logement en pointant son arme vers sa tête et en direction des policiers. À un certain moment, elle crie « ta gueule » en retournant vers l'intérieur du logement, ce qui donne l'impression aux policiers qu'il y a peut-être une autre personne avec elle. Elle brise la vitre de la fenêtre située à droite du balcon en frappant avec son arme et des policiers observent du sang couler sur le cadrage. À quelques reprises, certains policiers lui mentionnent de jeter son arme, ce qu'elle ignore en continuant de pointer l'arme vers sa tête et en direction des policiers.
À 1 h 05, la femme pointe l'arme en direction des policiers du SIS. Au même moment, deux coups de feu sont entendus et rapportés sur les ondes. Ceux-ci proviennent de policiers du SIS placés sur et sous le viaduc situé près du logement. La femme est atteinte par un premier impact au biceps et au thorax du côté droit, ainsi que par un second impact au bras et à l'épaule du côté droit.
Les policiers du SIS se trouvant dans la cage d'escalier prodiguent les premiers soins en attendant Urgences-santé. Un revolver est trouvé près d'elle. Il s'agit d'une arme à air comprimé, complètement noir sans embout de couleur.
La femme est ensuite transportée à l'hôpital où elle est admise à 1 h 36.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel (C.cr.) sont remplies.
Le paragraphe 25(1) du C.cr. accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) C.cr. précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, la preuve révèle que les policiers agissaient dans l'exercice de leurs fonctions et que l'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. Au moment de l'intervention, les policiers répondaient à un appel au 911 pour une personne possiblement désorganisée criant et lançant des objets dans son logement. Une fois arrivés sur les lieux, ils constatent que la femme est armée et pointe une arme vers sa tête et vers les policiers.
En l'espèce, l'usage de la force était nécessaire pour assurer la protection des policiers et du public contre des lésions corporelles graves ou la mort.
La preuve révèle que la femme a refusé d'obéir aux ordres des policiers présents en les menaçant avec ce qui semblait être une arme à feu. De plus, ils lui ont mentionné à plusieurs reprises de jeter son arme, ce qu'elle n'a pas fait.
La désorganisation de la femme, son absence de réaction aux ordres donnés et les nombreuses fois où elle a pointé son arme en direction des policiers et d'elle-même, permettent de conclure que l'usage de la force était nécessaire afin d'assurer la protection des policiers et celle du public contre des lésions corporelles graves ou la mort. En outre, les policiers ont fait plusieurs tentatives de désescalade en lui demandant de jeter son arme, sans succès.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des paragraphes 25(1) et 25(3) C.cr. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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