Enquête indépendante sur l'événement survenu à Dolbeau-Mistassini le 1er mai 2024 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 3 nov. 2025 /CNW/ - Les procédures judiciaires étant terminées, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 22 janvier 2025, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Dolbeau-Mistassini le 1er mai 2024.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales. Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Bien que la personne blessée soit décédée en date d'aujourd'hui, la procureure l'avait déjà informée de la décision.
Événement
Le 1er mai 2024, vers 18 h 23, un appel est fait au 911 concernant un homme en détresse psychologique. Lors de l'appel, il est mentionné que l'homme est en possession d'une arme à plomb, de type revolver, est en état de consommation et qu'il se trouve dans le gazebo à l'arrière d'une résidence.
Vers 18 h 38, un policier parvient à contacter l'homme sur son cellulaire, mais après un bref échange, ce dernier raccroche.
Au même moment, cinq policiers arrivent sur les lieux. Un périmètre est établi autour de la résidence et les policiers se positionnent. L'homme est toujours dans le gazebo et exhibe son arme.
Vers 18 h 42, les policiers reçoivent sur les ondes radio l'information voulant que l'homme soit en possession d'une arme à feu, mais qu'il puisse s'agir d'une arme à plomb.
Vers 18 h 43, l'homme est de nouveau contacté par un policier sur son cellulaire. La conversation dure entre quinze et vingt minutes, mais l'homme refuse de collaborer.
Vers 18 h 46, les policiers sur les lieux confirment qu'ils ne disposent d'aucune arme à impulsion électrique (AIE), car elles sont déjà utilisées pour une autre intervention se déroulant à une heure trente de voiture. La demande pour obtenir les AIE est faite à 19 h 06.
À 19 h 02, l'homme met fin à sa conversation téléphonique avec le policier. Vers 19 h 07, il sort du gazebo et se dirige vers l'avant de la résidence. Il pointe son arme vers une policière qui se barricade derrière un véhicule. Cette dernière ordonne à l'homme de lâcher son arme et l'informe qu'ils sont là pour lui venir en aide. L'homme lui fait un doigt d'honneur et continue de se déplacer vers l'avant de la résidence. La policière transmet l'information sur les ondes radio.
L'homme arrive près de la position de deux autres policiers. Il pointe son arme vers l'un des policiers qui se trouve sur le coin avant de la résidence. Le policier lui ordonne, à plusieurs reprises, de lâcher son arme, sans succès. L'homme continue de pointer son arme et d'avancer vers le policier. Il n'y a aucune barricade dans l'environnement immédiat du policier. Vers 19 h 08, alors que l'homme se trouve à cinq ou six mètres du policier et qu'il continue de pointer son arme dans sa direction, le policier fait feu à trois reprises.
L'homme est touché au bras et à la jambe. Une ambulance est appelée et les policiers procurent les premiers soins à l'homme. Vers 19 h 12, l'homme est transporté dans un centre hospitalier pour ensuite être transféré dans un autre centre hospitalier où il est opéré à la jambe.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection. Les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
En l'espèce, le DPCP estime que les conditions énumérées aux paragraphes 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
D'abord, l'intervention policière était légale et fondée sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité des personnes. Celle-ci était consécutive à un appel au 911 pour un homme en détresse psychologique et armé, pouvant représenter un danger pour lui-même ou pour autrui.
Ensuite, le policier avait des motifs raisonnables de considérer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection et celle d'autrui contre des lésions graves ou la mort.
En effet, la décision du policier d'utiliser son arme à feu est prise, alors que l'homme se trouve à moins de six mètres de sa position, qu'il le pointe avec une arme et qu'il n'obtempère pas aux ordres de lâcher son arme. Les renseignements à la connaissance du policier font état de la possibilité que l'arme en soit une à plomb. Dans ce contexte, le policier pouvait raisonnablement craindre pour sa sécurité et celle d'autrui.
Au surplus, l'intervention se déroule dans un secteur résidentiel, avec plusieurs citoyens se trouvant à proximité et pouvant être blessés par un tir d'arme à feu.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier de la SQ était justifié en vertu des paragraphes 25 (1) et (3) du Code criminel et donc que ce dernier n'a pas commis une infraction criminelle lors de l'intervention.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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