Enquête indépendante sur l'événement survenu à Mascouche le 28 septembre 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 19 juin 2025 /CNW/ - Après l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de Mascouche.
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme, à Mascouche, le 28 septembre 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé d'un procureur et de deux procureures aux poursuites criminelles et pénales. Ces procureurs ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si, à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Pour des motifs distincts, les membres du comité en viennent unanimement à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de porter des accusations. Une procureure qui a participé à l'analyse a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 28 septembre 2023, vers 16 h 15, un policier du Service de police de Mascouche tente d'intercepter un véhicule1 sur la montée Masson à Mascouche, une artère commerciale à quatre voies sans terre-plein et deux voies dans chaque direction. La limite de vitesse est établie à 50 km/h. Il y a des entrées de commerces des deux côtés des voies. Les enregistrements des caméras de surveillance montrent que la circulation est achalandée sur cette artère dans les deux directions. La chaussée est sèche.
Un automobiliste immobilisé sur la montée Masson, à l'intersection menant à la bretelle pour l'autoroute 25, constate qu'un véhicule le dépasse par la droite et tourne à gauche en direction de la bretelle de l'autoroute en coupant les deux voies à sa gauche, ainsi que celles en sens inverse. Environ cinq secondes plus tard, il entend une sirène et regarde dans son rétroviseur. Il voit un véhicule de police avec les gyrophares allumés arriver derrière lui très vite qui perd un peu le contrôle et entre en collision avec l'arrière de son véhicule, du côté gauche. Le véhicule de patrouille tourne vers la bretelle et le policier vient ensuite s'excuser auprès de lui. Il estime que le véhicule de patrouille circule à ce moment à environ 80 km/h. Il s'agit également d'une zone limitée à 50 km/h.
Un autre automobiliste immobilisé en direction sud sur la montée Masson, à environ 25 mètres de l'intersection menant à la bretelle pour l'autoroute 25, constate qu'un véhicule circule dangereusement, notamment sur la piste cyclable. À son avis, le véhicule circule à environ 150 km/h. Ce véhicule fait un dépassement par la droite. Environ quatre secondes après, un véhicule de patrouille passe à côté de son véhicule avec les gyrophares et les sirènes en fonction. Le policier tente de passer entre deux véhicules et percute le derrière du véhicule se trouvant près du sien en tentant de changer de voie. Le véhicule de patrouille s'immobilise sur le bas-côté de l'entrée de l'autoroute et le policier se rend auprès du conducteur du véhicule percuté.
Le conducteur du véhicule fuyard mentionne au BEI les circonstances d'une altercation avec un conducteur au volant d'un camion survenue le 28 septembre 2023, en fin d'après-midi, à Montréal. À la hauteur d'un commerce sur la montée Masson, il regarde dans son rétroviseur pour savoir si le camion est toujours derrière lui et constatant que le feu est rouge, il freine brusquement se trouvant alors au milieu de l'intersection. Voyant un véhicule de patrouille à un autre commerce, il immobilise son véhicule et repart tranquillement. Le policier active ses gyrophares et l'homme décide de s'enfuir. Il affirme que le policier et lui ont traversé le feu rouge et qu'ils roulaient en sens inverse. Il confirme que la circulation était assez dense. Il dit fuir parce qu'il est sous le coup d'une interdiction de conduire.
La preuve révèle que le véhicule fuyard fait une large manœuvre en traversant l'intersection au feu rouge afin de tourner à gauche pour se diriger vers l'entrée de l'autoroute 25 en direction sud. À ce moment, dans une manœuvre de freinage, le véhicule de patrouille en poursuite derrière le véhicule fuyard, cause une collision mineure en heurtant le coin arrière gauche d'un véhicule immobilisé au feu rouge. Le véhicule de patrouille traverse ensuite les deux voies en sens inverse et s'immobilise dans le terre-plein au début de la bretelle d'accès à l'autoroute afin d'aller porter assistance au conducteur du véhicule embouti.
Le véhicule fuyard continue sa course dans la bretelle d'accès de l'autoroute 25 et, une fois au bout de celle-ci, se dirige alors en sens inverse sur l'autoroute pour ensuite emprunter une bretelle d'accès en provenance de l'autoroute 640, où une violente collision survient avec un autre véhicule circulant sur cette bretelle menant à l'autoroute 25. La conductrice de l'autre véhicule a subi des lésions corporelles.
Des enregistrements obtenus à partir de caméra de surveillance permettent de constater que le véhicule fuyard ainsi que le véhicule de patrouille circulent à haute vitesse sur la montée Masson.
L'analyse de la preuve de ces enregistrements révèle que le véhicule fuyard a circulé à une vitesse moyenne de 127 km/h sur une distance de 150 mètres pendant 4,23 secondes, et ensuite à une vitesse moyenne de 169 km/h sur une distance de 172 mètres pendant 3,66 secondes.
Le véhicule de patrouille a circulé en accélération d'environ 127 km/h jusqu'à 169 km/h sur une distance approximative de 150 mètres avant de percuter un peu plus loin le coin arrière gauche d'un véhicule immobilisé à un feu rouge, sans qu'il soit possible de déterminer sa vitesse au moment de cette collision.
Analyse du DPCP
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême du Canada et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (C.s.r.) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, seulement dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du C.s.r.
Dans le dossier à l'étude, la preuve révèle que l'intervention était légale. De l'aveu même du conducteur fuyard, ce dernier a circulé sur un feu rouge ainsi qu'en sens inverse afin de tenter de fuir l'interception policière et, par la suite, un témoin affirme qu'au cours de la poursuite policière, le véhicule circulait à environ 150 km/h de manière dangereuse, de même qu'il a également circulé sur la piste cyclable.
Bien qu'il ait actionné les gyrophares et les sirènes, et ce, même en considérant qu'il était autorisé à enfreindre la limite de vitesse en vertu de l'article 378 du C.s.r., le fait de conduire à 169 km/h sur une artère commerciale achalandée en fin d'après-midi constitue une conduite qui est objectivement dangereuse pour le public.
Toutefois, la preuve ne permet pas d'inférer que le comportement du policier impliqué constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence d'un policier raisonnable dans les mêmes circonstances.
Considérant l'ensemble des circonstances dont la configuration des lieux en zone commerciale, l'état de la circulation, l'état de la chaussée, l'utilisation des gyrophares et des sirènes, la courte durée en temps et en distance de la conduite à haute vitesse, ainsi que le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle en matière de conduite dangereuse, nous concluons qu'il n'y a pas de preuve d'un écart marqué par rapport à la norme de diligence d'un policier raisonnable dans les mêmes circonstances.
Par ailleurs, en droit criminel, le policier n'est pas responsable de la collision survenue entre le véhicule fuyard et un autre véhicule. La preuve révèle qu'il n'y a eu aucun contact entre le véhicule de patrouille et le véhicule fuyard, de même que la conduite du policier n'a pas contraint le conducteur du véhicule fuyard à effectuer des manœuvres dangereuses. La collision et les blessures qui en ont résulté ont été causées par le conducteur du véhicule fuyard, alors qu'il conduisait dangereusement en fuyant une interception légale.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de Mascouche impliqué dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
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1Depuis la décision de la Cour d'appel du Québec le 30 avril 2024 (Procureur général du Québec c. Fédération des policiers et policières municipaux du Québec, 2024 QCCA 537) les policiers impliqués n'ont plus l'obligation de rédiger un compte rendu sur les faits survenus lors de l'événement à l'intention du BEI devant ensuite être transmis par le corps de police au BEI. En conséquence, le rapport du policier obtenu par le BEI avant le 30 avril 2024 a été extrait du rapport d'enquête du BEI. Le rapport du BEI ne contient pas de preuve quant au motif d'interception du véhicule. |
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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