Enquête indépendante sur l'événement survenu à Longueuil le 30 juillet 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 8 juill. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Longueuil lors duquel le décès d'une femme a été constaté le 30 juillet 2024.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si, à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 30 juillet 2024 à 2 h 34 du matin, un homme contacte les services d'urgence pour leur demander de se rendre au domicile d'une femme dont il est sans nouvelle depuis plusieurs heures. Après s'être identifié et avoir laissé ses coordonnées afin d'être contacté par les policiers, il explique à la répartitrice qu'il est un proche de cette personne et qu'il est inquiet pour sa santé et sa sécurité, car il n'est pas dans ses habitudes de ne pas répondre à ses appels et à sa messagerie pendant d'aussi longues périodes. Pour justifier ses craintes, il ajoute que la femme a fait des tentatives de suicide par le passé, qu'elle a récemment exprimé des propos suicidaires et qu'elle est aux prises avec des problèmes de consommation d'alcool et de drogues.
Lors de cet appel, l'homme précise que leur dernier contact remonte à la nuit du 29 juillet 2024 entre 2 h et 4 h, qu'ils avaient alors convenu de s'appeler en journée et que ses multiples appels et messages sont depuis demeurés sans réponse. Il explique également qu'il revenait à l'instant d'une visite au domicile de la femme, qu'il a frappé aux portes et aux fenêtres sans obtenir de réponse et qu'il a constaté en regardant par les fenêtres que rien n'avait bougé à l'intérieur de l'appartement.
Vers 2 h 50, deux policiers se présentent au domicile de la femme et tentent sans succès d'entrer en contact avec cette dernière en frappant aux portes et aux fenêtres.
En vérifiant l'historique des appels et des interventions liées à cette adresse, les policiers constatent qu'un appel similaire avait été reçu au cours du mois de mai. Lors de cette intervention effectuée avant l'aube, la femme avait été réveillée par les policiers qui frappaient à sa porte. Mécontente, cette dernière leur avait alors expliqué que l'appel avait probablement été fait pas son ex-conjoint afin de l'importuner. La carte d'appel complétée lors de cette intervention indique d'ailleurs que le demandeur avait refusé de s'identifier, qu'il semblait intoxiqué et qu'il n'a jamais répondu aux appels subséquents des policiers.
Estimant qu'il pourrait s'agir du même demandeur et que les propos suicidaires ne sont pas contemporains, les policiers concluent qu'il n'y a pas de risque imminent pour la sécurité de la femme et décident de ne pas pénétrer dans l'appartement. Au terme de leur intervention, soit vers 3 h 24, les policiers informent le demandeur qu'ils ne disposent pas de motifs suffisants pour entrer légalement dans le domicile de la femme puis quittent les lieux.
Au cours de la journée, l'homme qui avait initialement contacté les services d'urgence poursuit ses tentatives afin de joindre la femme, mais n'obtient aucune nouvelle de cette dernière. Vers la fin de l'après-midi, il se rend de nouveau à son domicile en compagnie d'un ami. Les deux hommes forcent une fenêtre et pénètrent à l'intérieur de l'appartement. Ils font alors la découverte du corps inanimé de la femme et appellent immédiatement les services d'urgence.
Dans les minutes qui suivent, les policiers et les ambulanciers arrivent sur les lieux et constatent rapidement que la femme est décédée.
Suivant les conclusions du pathologiste ayant procédé à l'autopsie, la cause du décès serait une polyintoxication aux drogues usuelles et d'abus.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant la mort.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle que les policiers ont effectué des vérifications raisonnables lorsqu'ils ont été appelés au domicile de la femme décédée dans la nuit du 30 juillet 2024. Rien dans la preuve recueillie au terme de l'enquête ne permet de conclure qu'ils ont fait montre d'une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui ni que leur décision de ne pas entrer de force dans l'appartement a contribué au décès de la femme.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPAL impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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