NOUVELLE ÉTUDE DE L'INSTITUT DU QUÉBEC - LES CINQ QUESTIONS ÉCONOMIQUES LES PLUS POSÉES SUR L'IMMIGRATION
MONTRÉAL, le 4 juin 2025 /CNW/ - Après avoir enregistré un bond record de l'immigration temporaire entre 2022 et 2024, Québec entend bien limiter la venue de nouveaux travailleurs, étudiants étrangers et demandeurs d'asile. Pour l'heure, seules des mesures ponctuelles ont été adoptées, mais d'ici l'automne, le gouvernement prévoit déposer une planification afin d'indiquer clairement la voie à suivre pour les prochaines années. Pour soutenir cet exercice, l'Institut du Québec (IDQ) propose une réflexion sur les cinq questions économiques qui lui sont le plus souvent posées sur l'immigration : Est-ce que l'immigration peut contribuer à revitaliser les régions ? Quels profils d'immigrants stimulent le plus la hausse du PIB par habitant ? Quelles pénuries de main-d'œuvre justifient un recours à l'immigration ? Existe-t-il un rythme de croissance idéal de l'immigration ? Quels devraient être les seuils d'immigration permanente et temporaire ?
« Nos analyses démontrent clairement qu'il est impossible de concevoir des politiques d'immigration qui répondent simultanément à tous les objectifs économiques : revitaliser les régions, créer de la richesse et combler les pénuries de main-d'œuvre, statue d'entrée de jeu Emna Braham, présidente-directrice générale de l'IDQ. Attendre de l'immigration qu'elle règle tous nos problèmes économiques, ou à l'inverse lui imputer tous nos maux, ne fait que polariser le discours sans apporter de solutions concrètes. C'est pourquoi nous avons cru important d'apporter un peu de nuance dans ce débat en proposant cette étude. »
Revitaliser les régions ou créer de la richesse ?
Bien que le Québec mise sur l'immigration pour revitaliser ses régions vieillissantes, une évidence s'impose : les immigrants permanents s'établissent encore principalement sur l'île de Montréal (48 %). Une certaine progression s'observe néanmoins autour de la couronne montréalaise, notamment en Montérégie (15 % des arrivées en 2023 contre 10 % en 2014) et dans la Capitale-Nationale (11 % en 2023 contre 5 % en 2014). Preuve que certaines mesures portent leurs fruits.
« En revanche, l'immigration temporaire, celle qui a connu la plus forte progression récemment, est davantage répartie dans les régions du Québec. La Mauricie, l'Outaouais, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Bas-Saint-Laurent ont toutes enregistré d'importantes hausses du nombre d'immigrants temporaires au cours des dernières années », souligne Simon Savard, économiste principal et directeur adjoint de l'IDQ. Cette dynamique a permis à certains territoires auparavant en déclin de voir leur population s'accroître à nouveau. »
Ainsi, la très grande majorité (81 %) des immigrants issus du Programme des travailleurs étrangers temporaires s'installent en région. Toutefois, ce programme n'offre pas les conditions pour un établissement durable (séjours courts, accès limité à la résidence permanente) et repose essentiellement sur une main-d'œuvre peu qualifiée (80 % d'entre eux ont tout au plus un niveau d'études secondaires). En d'autres mots, bien que ces travailleurs dynamisent les régions, leur profil ne répond pas à l'autre priorité gouvernementale : accroître la richesse collective et le PIB par habitant du Québec.
En contrepartie, c'est surtout dans les grands centres que les immigrants permanents propulsent l'économie. À titre d'exemple, en 2022, les immigrants catégorisés comme « demandeurs principaux » du programme d'immigration permanente économique gagnaient, un an seulement après leur admission, 36 % de plus que la moyenne québécoise. Paradoxalement, ce succès s'explique en partie par le fait qu'une proportion importante d'entre eux aient d'abord été accueillis au Québec à titre d'immigrants temporaires pour y étudier ou y travailler, ce qui a considérablement facilité leur intégration. Mais attention, cette approche en deux étapes ne donne d'aussi bons résultats que pour les travailleurs les plus qualifiés.
Pallier les pénuries de main-d'œuvre ou éviter les hausses de chômage ?
Le récent afflux d'immigrants a assurément permis de combler les pénuries de main-d'œuvre au Québec. En revanche, les nouveaux arrivants sont souvent les premiers affectés lors des ralentissements économiques comme c'est le cas actuellement. Ce phénomène témoigne donc du risque encouru d'attirer des travailleurs pour répondre ponctuellement à des pénuries temporaires, les laissant par la suite sans emploi. Une approche plus judicieuse consisterait plutôt à prioriser les profils correspondant à des pénuries structurelles.
À ce chapitre, l'IDQ a identifié quatre catégories de métiers confrontés à de telles pénuries de main-d'œuvre, c'est-à-dire supérieures à la moyenne historique et pour lesquelles la requalification locale s'avère difficile : 1) le personnel qualifié dans le secteur des services (p. ex. : infirmier(e)s, éducateur(trice)s, 2) le personnel des autres services (p. ex. : préposé(e)s, serveur(se)s), 3) le personnel technique (p. ex. : inhalothérapeutes, technicien(ne)s) et 4) les métiers spécialisés (p. ex. électricien(ne)s, mécanicien(ne)s).
À titre d'exemple, le réseau québécois de la santé fait actuellement face à une pénurie structurelle de 6 400 infirmier(e)s. Ne combler ce besoin qu'avec des ressources locales exigerait d'accroître annuellement de 17 % le nombre de diplômés universitaires et de 34 % celui des diplômés collégiaux : un objectif difficilement atteignable. L'immigration représente donc une solution prometteuse pour répondre à cet enjeu majeur, bien qu'elle se heurte encore parfois à un obstacle majeur : la réglementation par ordre professionnel qui exige une reconnaissance des diplômes étrangers. Pour l'heure, ce processus limite non seulement l'accès des immigrants à ces postes vacants mais prive le Québec de ressources inestimables.
Maîtriser la croissance démographique ou garder les meilleurs talents ?
La question des seuils d'immigration au Québec fait aussi l'objet d'intenses débats. Limiter le nombre d'admissions freinera inévitablement la croissance démographique et par conséquent, celle de l'économie. Rappelons que la population active a connu une expansion remarquable en 2024 (+1,9 %), bien au-delà de sa tendance historique (+0,7% par année en moyenne entre 2009 et 2019), soutenant ainsi l'activité économique.
Cependant, pour générer davantage de richesse collective et accroître le PIB par habitant, il est essentiel de maintenir l'équilibre entre croissance démographique et productivité. Or, la productivité du Québec s'est faiblement accrue au cours de la décennie précédant la pandémie (+0,8 % par année en moyenne entre 2009 et 2019) et stagne depuis. Puisqu'une hausse marquée de la productivité semble peu probable à court terme, revenir à une croissance démographique plus modérée apparaît actuellement comme la meilleure option.
Ce retour à l'équilibre nécessiterait cependant des ajustements majeurs. « Nos simulations révèlent que pour retrouver une croissance de sa population active de 0,7 % par an, le Québec devra maintenir son seuil d'immigration permanente actuelle (60 000 personnes/an) mais plafonner aussi son seuil d'immigration temporaire à 70 000 personnes, ce qui représente une réduction significative de 39 % par rapport aux 115 000 travailleurs temporaires, étudiants étrangers et demandeurs d'asile accueillis en moyenne chaque année entre 2022 et 2024 », précise Emna Braham.
Or, comme ce changement occasionnerait un impact considérable sur les immigrants et l'économie et qu'en parallèle, une immigration permanente bien orchestrée a donné des résultats remarquables par le passé, une transition progressive semble davantage l'avenue à privilégier. Cette transition impliquerait d'adopter initialement un seuil plus élevé d'immigration permanente (autour de 90 000 personnes), avec une réduction graduelle vers 60 000, offrant ainsi aux travailleurs et étudiants étrangers qualifiés déjà présents sur le territoire une voie d'accès à la résidence permanente.
La planification de l'immigration prévue d'ici l'automne représente une avancée majeure pour le Québec : non seulement elle permettra de reprendre le contrôle de l'immigration en y intégrant l'immigration temporaire mais d'éviter aussi les décisions improvisées qui ont marqué ce dossier. « Derrière chaque politique se trouvent des personnes qui ont choisi le Québec comme terre d'accueil, rappelle Emna Braham. En ce sens, une approche stable nous semble la voie à privilégier car les changements continuels nuisent à la confiance, freinent notre économie et compliquent l'intégration : trois facteurs essentiels à notre prospérité collective. »
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport Planification 2025 de l'immigration au Québec : Cinq questions pour éclairer les choix à venir
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère. www.institutduquebec.ca | @InstitutduQC
SOURCE Institut du Québec

Source: Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347 -- [email protected]
Partager cet article