INSTITUT DU QUÉBEC ET COMMISSION DE LA CONSTRUCTION DU QUÉBEC - INNOVER POUR CONSTRUIRE DAVANTAGE
MONTRÉAL, le 27 mai 2025 /CNW/ - L'industrie de la construction se trouve à un moment charnière. Entre la modernisation des infrastructures, la construction de logements et la transition énergétique, la demande ne cesse de croître. Or, le secteur doit composer avec des pénuries persistantes de main-d'œuvre qualifiée. Et ces tensions ne feraient que s'accentuer si la construction devenait le moteur d'une relance économique en réponse à la guerre commerciale américaine.
Face à l'ampleur du défi, trois priorités émergent : mieux planifier les projets, former davantage de travailleurs - les gestionnaires surtout -, et mieux utiliser chaque ressource pour bâtir plus efficacement. C'est sur ces leviers que l'Institut du Québec (IDQ), en partenariat avec la Commission de la construction du Québec (CCQ), s'est penché dans la nouvelle étude Innover en construction : des pistes pour accroître la productivité de l'industrie et la qualité des emplois, dévoilée aujourd'hui.
Construction : le casse-tête mondial de la productivité
Les défis de productivité dans le secteur de la construction dépassent largement les frontières du Québec. Dans tous les pays de l'OCDE, l'industrie fait mauvaise figure à ce chapitre. Alors que la productivité - c'est-à-dire la valeur produite par heure de travail - a bondi dans la plupart des secteurs, elle a stagné ou reculé dans la construction. Aux États-Unis, elle a chuté de 20 % entre 1997 et 2023 tandis qu'au Canada (-3 %) et au Québec (+3 %), elle a stagné au cours de cette même période. En fait, les pays dont la productivité a connu une progression plus marquée dans cet intervalle, - comme le Danemark et les Pays-Bas -, font plutôt figure d'exceptions.
« À tort, la productivité est souvent perçue comme une évaluation individuelle du travailleur ou de l'entrepreneur, explique Emna Braham, présidente-directrice générale de l'IDQ. En réalité, elle mesure la performance de l'ensemble d'une industrie. Elle repose donc sur les compétences de la main-d'œuvre, la qualité des technologies et des équipements, mais aussi - et surtout - sur la façon dont toutes ces ressources sont mobilisées à chaque étape de la chaîne de valeur, du financement à la fin de vie des projets, en passant par la conception et la planification. Produire plus avec moins, c'est mieux organiser le travail, collaborer pour économiser, simplifier les processus et intégrer de nouveaux outils. »
Gagner en efficacité, un défi pour toute la chaîne de valeur
Au cours des dernières années, les provinces qui ont obtenu de meilleurs résultats en matière de productivité dans le secteur de la construction se sont distinguées par une main-d'œuvre mieux formée et une efficacité accrue de l'industrie. Ce sont aujourd'hui ces deux leviers qui offrent le plus fort potentiel d'amélioration pour le Québec où la construction fait intervenir de multiples acteurs : investisseurs, donneurs d'ordres, entrepreneurs, personnel de chantier et professionnels de soutien. Leur mobilisation collective sera essentielle pour améliorer la productivité.
À la lumière de notre étude, voici les principaux tremplins sur lesquels miser pour gagner en efficacité au Québec :
- Rehausser les compétences des travailleurs…et des gestionnaires: la pénurie de main-d'œuvre au Québec a changé le profil des travailleurs de la construction : la proportion de nouveaux salariés sans diplôme professionnel est passée de 43 % en 2014 à 75 % en 2023. Si cette ouverture aux non-diplômés répond à court terme aux besoins de recrutement, elle comporte aussi des risques importants : elle décourage la formation (les inscriptions aux DEP en construction ont chuté de 8 % depuis 2013) et nuit à la rétention (40 % des non-diplômés quittent l'industrie après cinq ans, contre 24 % des diplômés).
- Accélérer l'adoption de pratiques innovantes : la construction innove moins que les autres industries. Ici, innover veut surtout dire adopter de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux outils, que ce soit directement sur les chantiers, dans les processus de gestion, ou dans l'utilisation des matériaux. Dans un secteur composé surtout de petites entreprises et de projets uniques, il est souvent plus efficace d'adopter des solutions déjà éprouvées que d'en créer de nouvelles sur mesure.
Pour favoriser cette transformation, il devient avantageux de miser sur la collaboration entre entrepreneurs (comme des plateformes de partage de ressources ou de bonnes pratiques), sur une réglementation qui encourage l'innovation (par exemple, exiger l'usage du BIM dans les appels d'offres), et sur un meilleur lien avec la recherche. Le modèle du Construction Innovation Hub au Royaume-Uni, qui réunit chercheurs, entreprises et gouvernements pour accélérer le transfert de solutions innovantes, en constitue un bon exemple. - Accélérer l'adoption de technologies tout au long de la chaîne de valeur : l'analyse des technologies utilisées dans le secteur de la construction à l'échelle mondiale montre que le plus grand potentiel d'innovation se situe dans la planification et la gestion, plus que sur les chantiers eux-mêmes. D'abord, la gestion numérique des documents et des flux de travail (sans papier) devrait devenir la norme pour tous les projets, petits ou grands. Ensuite, les outils de « construction 4.0 » - comme le suivi en temps réel, ou encore les capteurs et l'Internet des objets - pourraient être mieux exploités, en particulier pour les projets d'envergure.
- Se regrouper pour réaliser des économies d'échelle : dans ce secteur fragmenté, les partenariats et consortiums sont porteurs. Les approches des grappes industrielles offrent aussi des solutions : sous-traitance accrue, mise en commun des ressources et partage des meilleures pratiques.
- Mieux administrer la réglementation : si les normes protègent la main-d'œuvre, l'environnement, l'urbanisme, le patrimoine et les marchés publics, elles peuvent aussi affecter la productivité. Les changements législatifs apportés en 2024 visent à l'améliorer. Une meilleure administration de la réglementation, notamment des délais de permis, reste toutefois possible.
« Améliorer la productivité en construction est une responsabilité partagée par tous les leaders de la chaîne de valeur. Du côté de la CCQ, nous devons intensifier nos efforts sur trois fronts : former davantage de personnes dans les DEP construction, rehausser continuellement les compétences de la main-d'œuvre active -de l'apprentissage au perfectionnement - et miser sur la diversité et l'inclusion, souligne Audrey Murray, présidente-directrice générale de la CCQ. Au-delà des compétences techniques sur les chantiers, les efforts de formation doivent aussi permettre aux gestionnaires de piloter l'innovation organisationnelle et technologique, initier le personnel administratif aux nouveaux processus, et intégrer l'expertise des professionnels d'autres secteurs, notamment en technologies de l'information, essentielles à la transformation du secteur. L'ampleur du carnet de commande qui se dessine est une occasion de devenir les meilleurs ! »
Augmenter la productivité dans l'industrie de la construction n'est pas une fin en soi. C'est d'abord et avant tout l'un des leviers les plus puissants pour atteindre nos objectifs collectifs : combler la pénurie de logements, bâtir les infrastructures énergétiques nécessaires à la transition, et maintenir nos réseaux en bon état. Ces réalisations deviennent à leur tour de véritables moteurs de productivité et de création de richesse pour toute l'économie québécoise.
Plus encore, miser sur la productivité, c'est renforcer la résilience de toute cette industrie : elle rend les projets plus réalisables, moins coûteux, plus rapides, et contribue à offrir des emplois de meilleure qualité, à la fois plus attrayants et plus sûrs. Si le gouvernement, comme donneur d'ordres et législateur, a un rôle clé à jouer, c'est toute la chaîne de valeur - entrepreneurs, travailleurs, fournisseurs, chercheurs - qui doit se mobiliser pour bâtir un secteur à la hauteur de nos ambitions.
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport : Innover en construction : des pistes pour accroître la productivité de l'industrie et la qualité des emplois
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère. www.institutduquebec.ca | @InstitutduQC
Commission de la construction du Québec
La Commission de la construction du Québec (CCQ) est un organisme gouvernemental chargé de mettre en œuvre la loi R-20 et ses règlements dans l'industrie de la construction. Sa mission, qui reflète l'évolution du cadre législatif québécois, comporte deux volets principaux. D'une part, elle sert les travailleurs et travailleuses et les employeurs en administrant les régimes d'avantages sociaux, en gérant les fonds qui lui sont confiés, en répondant aux besoins de main-d'œuvre et en offrant un service de référence. D'autre part, elle veille à la conformité de l'industrie en assurant le respect des conventions collectives, en luttant contre le travail non déclaré et en collaborant à la prévention de la corruption et à l'application des lois fiscales.
SOURCE Institut du Québec

Source: Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347 -- [email protected]
Partager cet article