Enquête indépendante sur l'événement survenu à Longueuil le 26 juillet 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 2 juin 2025 /CNW/ - Un verdict ayant été rendu par le tribunal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 6 juin 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de l'agglomération de Longueuil (SPAL).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Longueuil le 26 juillet 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Le 26 juillet 2021, une personne communique avec le 911 et mentionne recevoir des messages inquiétants d'une amie qui est au même moment passagère d'un véhicule dont le conducteur (l'homme) tient des propos suicidaires.
Une fois à destination, cette passagère tente en vain de convaincre l'homme de demeurer sur place en attendant de l'aide. Alors qu'il quitte l'endroit seul et au volant de sa voiture, les policiers le localisent par triangulation de son téléphone cellulaire. À leur arrivée, les policiers suivent la voiture et tentent d'intercepter l'homme mais celui-ci prend la fuite. Les gyrophares et la sirène sont activés.
La poursuite dure environ cinq minutes et se termine alors que le conducteur dirige volontairement son véhicule vers un garde-fou qu'il frappe de manière frontale, en bordure de la route 132 à Longueuil. Aucune trace de freinage n'est relevée. L'impact soulève le véhicule qui termine sa course dans le champ en bordure de l'autoroute, à 85 mètres du point d'impact. À un moment durant la poursuite, la vitesse du véhicule en fuite a atteint 160 km/h.
Sérieusement blessé, l'homme est transporté dans un centre hospitalier où l'on constate que sa vie est hors de danger. La veille de l'accident, l'homme avait tenté de mettre fin à ses jours.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, les policiers ont tenu compte de tous les facteurs pertinents leur permettant d'évaluer la nécessité de commencer et de maintenir la poursuite policière. La température, l'éclairage, la densité de la circulation et les routes suivies par le véhicule en fuite, l'expérience du conducteur du véhicule de patrouille sont autant de facteurs ayant fait l'objet d'une analyse et d'une réévaluation constante de la part des policiers. Les directives du corps de police furent aussi suivies à la lettre.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPAL impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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