98% des lacs sont inaccessibles: la Fondation Rivières propose des solutions
MONTRÉAL, le 18 juin 2025 /CNW/ - On estime qu'au moins 98% des lacs et rivières du sud du Québec sont inaccessibles au public et le laisser-faire face à la privatisation massive des berges a transformé l'accès légal à l'eau en privilège. Le cadre juridique est si faible que la situation va se détériorer si on ne fait rien, avertit la Fondation Rivières, qui recommande à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, de s'inspirer des solutions déployées par l'Écosse, la Nouvelle-Zélande et la France pour préserver les rares accès publics existants et créer de nouveaux accès sur un territoire de plus en plus enclavé.
C'est ce que révèle une étude rendue publique aujourd'hui par la Fondation Rivières, qui analyse à la fois la jurisprudence québécoise sur l'accès légal aux plans d'eau et les mécanismes juridiques adoptés en France, en Nouvelle-Zélande, aux États-Unis, en Écosse et dans les pays scandinaves pour redonner un accès public aux plans d'eau. Ces pays, qui étaient exposés à des problématiques semblables à celles du Québec, ont déployé des solutions pragmatiques facilement transposables à la réalité québécoise.
La Fondation Rivières recommande à la ministre propose trois actions prioritaires à mettre en place au Québec :
- Limiter ou exonérer la responsabilité civile des propriétaires et des gestionnaires d'accès publics afin de les encourager à laisser les piétons traverser leurs terrains privés pour accéder à un plan d'eau. Actuellement, un propriétaire qui permet le passage sur son terrain s'expose à des recours en responsabilité civile en cas d'accident.
- Obliger les municipalités à compenser toute perte d'accès existant par un accès équivalent sur le même plan d'eau ou sur le même territoire et à exiger d'un propriétaire riverain qui demande un permis de lotissement ou de construction qu'il accorde une servitude à la municipalité pour qu'elle puisse aménager un accès au plan d'eau;
- Autoriser le passage à pied sur une terre privée pour accéder à un plan d'eau en adoptant une loi-cadre affirmant le caractère public des berges, accompagné de mécanismes concrets pour créer de nouveaux accès, dont la création de servitudes de passage lors de la vente d'un terrain privé ou l'obligation de créer de nouveaux accès publics aux berges lors de la privatisation d'une terre publique riveraine.
La toute récente Loi sur l'aménagement et l'urbanisme oblige les MRC à identifier les lacs ou cours d'eau qui représentent un intérêt récréatif, mais les municipalités n'ont aucune obligation de prendre des mesures concrètes pour en protéger l'accès. Il revient au gouvernement provincial de prendre ses responsabilités pour créer un cadre national clair permettant de répondre à l'enjeu structurel de l'accès aux berges au Québec.
« On ne pourra pas revenir en arrière et corriger des décennies de négligence, alors il faut faciliter le passage à pied sur les terres privées pour redonner accès aux lacs et rivières. C'est ce qu'ont fait les gouvernements écossais et français où presque tous les accès aux berges avaient été privatisés. Ils ont pris leurs responsabilités et ils ont adopté une loi-cadre qui balise le vivre-ensemble. Le propriétaire conserve ses droits à la jouissance de sa propriété et à la quiétude sans pour autant interdire aux autres de profiter du lac ou de la rivière. C'est gagnant-gagnant », dit André Bélanger, directeur général de la Fondation Rivières.
98 % des rives des lacs et rivières sont enclavées
Les chercheurs Sébastien Rioux et Rodolphe Gonzalès ont rendu public les premiers résultats de leur étude sur l'accès à l'eau au Québec.
Comme le souligne le géographe Rodolphe Gonzalès, professeur à l'Université du Québec à Montréal, « en croisant les données cadastrales avec les rôles d'évaluation foncière de 104 municipalités issues de 15 régions administratives, nous avons été en mesure d'établir des statistiques sur la propriété riveraine des cours d'eau. Cela nous a permis de déterminer, plan d'eau par plan d'eau, l'emprise de la propriété privée sur les eaux publiques. »
« En moyenne, environ 85 % des rives des lacs et rivières sont privées et donc inaccessibles au public. Parmi les 15 % de bandes riveraines publiques restantes, la majorité ne sont pas destinées à recevoir le public. Ces bandes riveraines comprennent des ponts, des usines d'épuration des eaux, des zones de conservation ainsi que d'autres infrastructures rendant l'accès à l'eau compliqué, voire impossible. En somme, nous estimons qu'au moins 98 % de toutes les rives analysées sont, dans les faits, inaccessibles », dit Sébastien Rioux, professeur de géographie de l'Université de Montréal.
La Route bleue en difficulté devant la privatisation des accès aux lacs
L'absence d'une loi-cadre claire au Québec fait en sorte que les municipalités et les MRC doivent affronter une contestation de propriétaires riverains qui estiment que le lac ou la rivière devant chez eux leur appartient.
Canot Kayak Québec, mandataire pour le développement de la Route bleue, s'inquiète du fait qu'on ne pourra pas protéger les accès et les rivières sans un encadrement clair du gouvernement provincial.
« Il a fallu 2 ans à la municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs pour convaincre les riverains de lui permettre d'aménager une toute petite plage au bénéfice de 50% des résidents qui n'ont aucun accès aux lacs de leur municipalité. Avec une loi-cadre claire, on éviterait ce genre de conflits. Par ailleurs, plusieurs parcours essentiels pour nos pagayeurs ne disposent d'aucun accès public et ils dépendent de la bonne volonté des propriétaires riverains, sans aucune garantie que cet accès sera maintenu à l'avenir. C'est le cas pour la section de Tewksbury sur la Jacques-Cartier ou celle du Canyon sur la Rivière Rouge où l'accès devient de plus en plus difficile, voire impossible », souligne Emmanuel Laferrière, directeur général de Canot Kayak Québec.
L'accès aux lacs et aux rivières: enjeu de santé publique
Pierre Lavoie, cofondateur du Grand défi Pierre Lavoie, salue la recherche réalisée par les chercheurs et la Fondation Rivières qui met en lumière le fait que le problème n'est pas anecdotique, mais structurel.
« Il est temps qu'on redonne l'accès à l'eau à tous. On n'a jamais eu autant besoin de la nature pour la santé physique et mentale des Québécois et Québécoises. On a le devoir de redonner accès aux lacs et rivières pour les générations futures», souligne Pierre Lavoie.
L'accès légal aux berges est pratiquement impossible
Le Code civil du Québec prévoit que tous peuvent circuler sur les lacs et cours d'eau et en jouir, à certaines conditions, dont celle d'y accéder légalement. L'accès est de plus en plus difficile faute d'accès publics et de la privatisation du territoire, mais aussi parce que de plus en plus de municipalités imposent des tarifs excessifs ou des règlements qui réservent les accès publics aux résidents, ce qui nuit encore plus à l'accès.
À propos de la Fondation Rivières
Depuis plus de 20 ans, la Fondation Rivières œuvre à l'accès, la protection, la valorisation et la restauration des rivières dans le but de préserver leur caractère naturel et d'en assurer une utilisation humaine responsable et pérenne.
L'étude de la Fondation Rivières : https://bit.ly/accesauxberges
SOURCE Fondation Rivières

Source : Pauline Ou-Halima, Responsable des communications, Fondation Rivières, 514 272-2666, poste 307, [email protected]
Partager cet article