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Regroupement des organismes pour hommes de l'Île de Montréal (ROHIM)18 nov, 2025, 05:30 ET
MONTRÉAL, le 18 nov. 2025 /CNW/ - Une analyse des données sur la mesure de panier de consommation (MPC)1 pour l'année 2022 au Québec montre que c'est parmi les hommes seuls de moins de 65 ans que l'on retrouve la proportion la plus élevée de personnes en situation de pauvreté, soit 26,6 %. Cette proportion est plus de deux fois et demie plus élevée que celle mesurée pour l'ensemble des unités familiales, qui s'établit à 10,3 %. Cela représente près de 188 000 hommes seuls qui étaient en situation de pauvreté au Québec. L'analyse fait aussi apparaitre plusieurs voyants rouges en ce qui concerne les déterminants sociaux de la santé pour la population masculine.
Ces constats effectués par le professeur retraité Jean-Yves Desgagnés, membre du Pôle d'expertise et de recherche en santé et bien-être des hommes (PERSBEH), jettent un regard sur la pauvreté masculine, une réalité souvent occultée par le fait qu'au plan des salaires, les hommes affichent un écart positif par rapport aux femmes. Selon le chercheur, cette invisibilité relative se répercute dans l'absence de politiques publiques ciblées pour venir en aide aux hommes en situation de pauvreté. « Malgré les données statistiques démontrant que les hommes, particulièrement les hommes seuls de moins de 65 ans, sont parmi les plus nombreux à vivre en situation de pauvreté, le 4e Plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale ne contient aucun objectif ni axe d'intervention ciblant cette population », précise-t-il.
Être une personne seule, premier prédicteur de la pauvreté
Selon l'analyse du professeur Desgagnés, qui sera présentée lors du colloque annuel sur la santé et le bien-être des hommes à Montréal le 18 novembre, les personnes seules avaient en 2022 cinq fois plus de chances que les familles de se retrouver en situation de pauvreté (19,3 % vs 3,7 %). Parmi les personnes seules, on observe un taux de pauvreté supérieur chez les hommes comparativement aux femmes, et ce, qu'ils aient moins de 65 ans (26,6 % vs 23 %) ou 65 ans et plus (9,6 % vs 5,1 %). La mesure de la gravité de la pauvreté, qui réfère à l'écart moyen qui sépare le revenu réel d'une unité familiale à faible revenu du seuil de la pauvreté, est également plus élevée pour les personnes seules (36,5 % d'écart en moyenne) que pour les familles (28,2 %). Parmi les personnes seules, cette gravité de la pauvreté est plus accentuée chez les hommes (écart moyen de 40,2 %) comparativement aux femmes (34,4 %), alors que la situation est inversée chez les personnes seules de plus de 65 ans. Dans ce groupe d'âge, l'écart est de 24,2 % chez les femmes comparativement à 20,5 % chez les hommes.
Déterminants de la santé : plusieurs voyants au rouge pour la population masculine
L'autre constat préoccupant concerne les déterminants sociaux de la santé, qui montrent plusieurs indices supplémentaires de vulnérabilité au sein de la population masculine. Par exemple, ils sont moins scolarisés. Ils sont aussi plus nombreux à avoir recours à l'aide sociale et à se retrouver à la rue ou en situation d'itinérance.
Selon Jean-Yves Desgagnés, une réflexion est à faire concernant l'aide sociale, tant sur l'accessibilité à celle-ci que sur les montants des prestations accordées qui, présentement, ne garantissent que 45 % du seuil de pauvreté de la MPC. Alors qu'il devrait s'agir d'un tremplin pour aider les personnes qui y ont recours à sortir d'une mauvaise situation, les conditions d'accès ont plutôt pour effet d'entrainer les hommes plus profondément encore dans la spirale de la pauvreté. « La plupart de ces hommes trouvent complexe et difficile l'obtention d'une aide et, lorsqu'ils y sont admis, sont présumés aptes au travail et condamnés à recevoir une prestation ne couvrant pas leurs deux besoins de base : se loger et se nourrir. Le système d'aide sociale pousse donc les hommes vulnérables vers l'univers de la survie où l'on doit bricoler pour se nourrir, se loger, se déplacer sur le territoire, et pour certains, s'endetter et épuiser leurs REER », affirme le chercheur.
Le réseau de soutien communautaire sous pression
L'aggravation de la pauvreté causée par la récente poussée inflationniste, la crise du logement et l'incertitude économique n'est pas sans conséquences pour le réseau d'organismes communautaires qui interviennent auprès des personnes vulnérables, particulièrement ceux qui s'adressent à une clientèle masculine. Sur le terrain, on constate une augmentation du nombre d'hommes qui demandent de l'aide, un alourdissement des besoins et un manque de services pour certaines catégories d'hommes, comme des hommes aux statuts minorisés, des hommes plus jeunes, des hommes vieillissants et des pères.
À l'aube de la Journée québécoise en santé et bien-être des hommes, Raymond Villeneuve, président du Regroupement des organismes pour hommes de l'île de Montréal, constate l'importance accrue d'une action gouvernementale en santé et bien-être des hommes. « Le non-renouvellement cette année du Plan d'action ministériel en santé et bien-être des hommes par le ministère de la Santé et des Services sociaux semble d'autant plus incompréhensible. Cette absence de stratégie pour mobiliser de manière concertée le réseau de la santé et des services sociaux, le milieu communautaire et le personnel de la recherche laisse un trou béant pendant une période de crise alors que la détresse des hommes s'accroît. Et il ne faut jamais oublier qu'aider les hommes bénéficie aussi aux femmes et aux enfants qui les entourent », soutient-il.
Mieux voir pour mieux agir
Pour Jean-Yves Desgagnés, sortir la pauvreté masculine de l'invisibilité et de son angle mort dans les politiques publiques est une étape essentielle vers une amélioration de la réponse à leurs besoins. Parmi les initiatives souhaitées, le chercheur pointe une amélioration du revenu des personnes ayant recours à l'aide sociale par l'élargissement du revenu de base à toutes les personnes et familles admissibles, une meilleure compréhension de la santé mentale au masculin et une plus grande empathie des services de santé, des établissements d'enseignement et de la société dans son ensemble à la souffrance des hommes. Il estime également nécessaire le développement de services en itinérance mieux adaptés aux trajectoires plurielles et aux besoins des hommes, ainsi qu'un accompagnement pour réduire leur méfiance les services d'aide, souvent sous-utilisés en raison de mauvaises expériences passées ou de leur peur à se montrer vulnérables.
À propos du ROHIM
https://rohim.net/index.php/a-propos
| 1 En 2019, dans le cadre de la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté, cette mesure a été adoptée par le Gouvernement du Canada comme seuil pour mesurer la pauvreté et suivre les progrès réalisés vers l'atteinte des cibles de cette stratégie. Cette mesure est fondée sur le coût d'un panier de biens et services précis correspondant à un niveau de vie de base modeste et faisant l'objet d'un examen tous les 5 ans. La dernière révision ayant eu lieu en 2018, les données disponibles de Statistique Canada sont fondées sur cette base de 2018. |
SOURCE Regroupement des organismes pour hommes de l'Île de Montréal (ROHIM)

Pour obtenir plus de renseignements ou pour une demande d'entrevue : Jean-Yves Desgagnés, Ph.D., professeur-chercheur retraité, UQAR, cellulaire : 418-262-0387; Raymond Villeneuve, président du ROHIM, cellulaire : 514-528-9227
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