TORONTO, le 1er juin 2016 /CNW/ -
Monsieur le Premier ministre,
Merci d'avoir fait preuve d'une telle fermeté lors de votre discours au sommet du G7 de Tokyo la semaine dernière pour défendre la stratégie d'investissement gouvernemental, afin de redonner du souffle aux économies moribondes. N'en déplaise aux sceptiques, c'est la seule approche dont l'efficacité est avérée. En 1939, par exemple, c'est bien l'investissement fédéral massif qui nous a permis de sortir de la Grande Dépression et de jouer un rôle important dans la Seconde Guerre mondiale.
Apparemment, vos homologues du G7 étaient non seulement divisés sur la question de la stimulation de la croissance, mais aussi sur le problème connexe de la dette, qui n'avait jamais été aussi élevée. De manière générale, notre société semble refuser d'admettre que le système financier mondial ne fonctionne plus. Cela fait bien longtemps que la machine est cassée et les dernières décennies ont prouvé qu'il n'est tout simplement pas viable.
Les coupables sont les banques contrôlées par des intérêts privés, qui ont réussi à s'arroger le monopole de la création « d'argent ». En réalité, elles ne font que créer de la dette, qu'il faut ensuite rembourser avec tous les intérêts. Le problème, c'est justement qu'elles ne génèrent pas l'argent qui permettrait de rembourser l'intérêt et le capital. Pas besoin d'être un génie des mathématiques pour comprendre que c'est une voie sans issue. Sans argent, l'économie ne peut pas tourner, mais pour en obtenir, la seule possibilité c'est d'emprunter et donc de creuser la dette. Nous avons tout simplement hypothéqué à vie notre atout le plus précieux.
Pour sauver le système, la seule solution est que le gouvernement fasse une injection massive de fonds non empruntés, ce qui permettrait de diluer la gigantesque dette actuelle et de mettre un terme au monopole des banques, qui a permis à 62 familles de faire main basse sur 50 % des richesses mondiales. À l'avenir, il est primordial que le gouvernement et les banques privées se partagent équitablement la création monétaire.
Notre propre histoire est la meilleure preuve du bien-fondé d'une telle approche. En 1939, lorsque le gouvernement fédéral a eu besoin d'argent, la Banque du Canada en a imprimé et a accordé des prêts importants pour un coût quasi nul, limité aux simples frais de gestion. Ces nouvelles liquidités ont été placées dans les banques où elles se sont transformées en « monnaie centrale », les réserves qui ont permis aux banques de jouer le rôle pour lequel elles ont été créées. La fonction de création monétaire était véritablement partagée et c'est cette situation qu'il faut absolument rétablir. Après la guerre, ce système a permis de financer les grands projets infrastructurels progressistes des années 40 et 50.
En 1974, la période des 35 plus belles années du siècle a pris fin brutalement lorsque le gouverneur de la Banque du Canada, Gerald Bouey, a pris unilatéralement - sans même avoir consulté le Premier ministre, votre père, ni obtenu son accord - la décision d'annoncer que la Banque optait pour le « monétarisme ». Rien n'indiquait pourtant qu'il fallait abandonner les intérêts des actionnaires au profit des politiques établies par la Banque des règlements internationaux, une institution contrôlée indirectement par l'élite des familles des banques.
L'une des nouvelles règles consista à mettre un terme aux prêts à faible coût consentis aux gouvernements. Ceux-ci seraient donc désormais contraints d'emprunter sur les marchés aux taux d'intérêt qui y sont pratiqués. Ce changement de philosophie s'est avéré être un uppercut dévastateur asséné au gouvernement canadien. Entre 1867 et 1974, les Canadiens avaient financé deux guerres mondiales et de nombreux grands projets infrastructurels, accumulant au passage une dette marginale de 21,6 milliards de dollars. Or, depuis 1974, la dette fédérale est montée en flèche pour atteindre 615 milliards de dollars. Entre l'exercice financier 1974-1975 et l'exercice financier 2011-2012, les contribuables canadiens ont payé la somme vertigineuse de 1 100 milliards de dollars en intérêts... sans pour autant que la dette soit remboursée. Cette somme considérable aurait dû être investie dans la santé, l'éducation et les besoins des Premières nations, sans compter les nombreux autres besoins essentiels qui sont sous-financés depuis des dizaines d'années. C'est pourquoi, bien que nous nous réjouissions de votre volonté de lancer les manœuvres tant attendues pour rattraper le temps perdu, l'emprunt ne saurait être l'option privilégiée.
Conformément à notre Constitution, le Parlement est le dépositaire de l'autorité absolue en ce qui concerne la monnaie et les activités bancaires au Canada. Ce sont les Canadiens les titulaires du brevet de la création monétaire. Les banques privées n'ont aucun droit dessus; elles se sont simplement vu octroyer une licence d'utilisation et doivent donc se plier aux règles établies par le Parlement.
Une mise en garde s'impose toutefois. Si le Parlement devait ratifier l'Accord commercial Canada-Union européenne ou le Partenariat transpacifique, le mécanisme de règlement des litiges entraînerait un changement unilatéral dans la constitution canadienne et empêcherait le Parlement de garder le contrôle sur la monnaie et les activités bancaires. Cela reviendrait tout simplement à renoncer à notre atout financier le plus précieux, qui vaut des milliers de milliards, à savoir notre capacité à créer de l'argent.
En votre qualité de Premier ministre, vous voulez nécessairement ce qu'il y a de mieux pour notre pays. Je demande donc, respectueusement, au gouvernement d'oser adopter un plan d'action radical, quoique pas très nouveau, qui ferait un bien fou à notre pays : l'établissement d'un contrat social entre le gouvernement et le peuple canadien. www.canadianbankreformers.ca/new-social-contract/
Ce plan prévoirait une provision de 150 milliards de dollars par année pendant sept ans, répartis à parts égales entre Ottawa et les provinces et territoires. Cela réinjecterait dans l'économie canadienne une somme équivalente à celle perdue en impôts affectés au paiement d'intérêts inutiles, tout en faisant passer les réserves liquides des banques privées de 0 à 34 %, de sorte que la création d'argent par le gouvernement n'aurait pas d'effet inflationniste. Au bout de sept ans, la fonction de création monétaire serait partagée à raison de 34 % pour le gouvernement et 66 % pour les banques privées, un ratio qui permettrait aux deux parties de remplir leurs fonctions légitimes respectives.
Il reste suffisamment de temps pour mettre ce plan en œuvre en juin, avant le congé d'été, et donner à l'économie canadienne sa plus forte impulsion depuis 1939. C'est le plus sûr moyen pour le Canada de se poser en modèle et d'apporter du répit financier et de redonner de l'espoir aux 99 % qui souffrent depuis trop longtemps.
Cordialement,
Paul Hellyer
SOURCE Canadian Bank Reformers

Pour en savoir plus, vous pouvez communiquer avec Paul Hellyer à l'adresse [email protected] ou par téléphone au 416-366-4092.
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