Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 6 novembre 2015, survenu à Québec, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 22 juill. 2016 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec (SQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative à l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 10 novembre 2015, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête préparé par la SQ. Les procureurs ont produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint pour décision finale. Un proche de la personne décédée a été informé de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur de possibles fautes civiles ou déontologiques. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 6 novembre 2015
L'enquête porte sur les circonstances du décès d'un homme survenu, le 10 novembre 2015, dans un hôpital de Québec. Il a été hospitalisé à la suite d'une intervention policière qui a eu lieu le 6 novembre 2015. Cette journée-là, vers 5 h, le centre d'appels d'urgence 9-1-1 de la Ville de Québec reçoit deux appels consécutifs d'un homme qui tient des propos laissant croire qu'il est gravement blessé et qu'une personne l'agresse avec un couteau. Plusieurs policiers du SPVQ et des ambulanciers sont assignés à cet appel prioritaire.
Quelques minutes plus tard, des policiers localisent l'appartement où se trouve l'homme. Ce dernier est corpulent, n'a qu'une seule jambe et se trouve dans un fauteuil roulant. Après une intervention verbale pour s'enquérir notamment de son état de santé et le rassurer, les policiers entrent dans l'appartement. L'homme brandit un couteau de sa main droite qu'il laisse tomber au sol, à la demande des policiers. Ces derniers constatent que l'homme n'a aucune blessure, il présente toutefois un faible saignement au niveau de la narine. L'homme est agité et tient des propos incohérents. Il est dans un état de crise, il délire. Les policiers le maintiennent dans son fauteuil roulant dans l'attente de l'arrivée des ambulanciers. À un moment donné, l'homme se lève brusquement et d'un bond, il fait un saut de près d'un mètre sur sa seule jambe pour se trouver dans un coin de la cuisine. Considérant son état et la présence d'objets à portée de main qui peuvent compromettre sa sécurité et celle des policiers, ces derniers le maîtrisent et l'amènent au sol. Étant donné sa corpulence, deux paires de menottes sont utilisées pour lui menotter les mains dans le dos. L'homme crie et se débat. Pendant ce temps, les ambulanciers entrent dans l'appartement. Une fois l'homme maîtrisé, les policiers le placent en position latérale pour sa sécurité. Il est toujours très agité, il ne cesse de donner des coups avec sa jambe et il crie que des serpents vont l'attaquer. Les policiers interviennent verbalement pour le rassurer et tenter de le calmer. Ils usent de la force pour le maintenir couché sur le côté. L'homme se calme et lorsque les ambulanciers s'approchent pour l'examiner, ils constatent qu'il n'a pas de pouls. Ils lui prodiguent les soins et le transportent à l'hôpital. Il décède quelques jours plus tard à l'hôpital.
Le pathologiste judiciaire conclut que le décès de l'homme est attribuable à une intoxication ou à une réaction fatale à la prise de cocaïne, compliquée d'un arrêt cardiorespiratoire subi 4 jours plus tôt (réanimé lors de son hospitalisation le 6 novembre 2015) et d'une encéphalopathie anoxique‑ischémique. Il émet les commentaires selon lesquels l'autopsie n'a pas permis de trouver de lésion naturelle ou traumatique expliquant cet arrêt cardiorespiratoire, mais la découverte de cocaïne dans l'organisme (analyse toxicologique) de l'homme permet de croire que c'est cette drogue qui en est responsable. De plus, il y a absence de lésion traumatique contributive au décès.
Le cadre de l'analyse s'appuie sur l'article 25 du Code criminel. Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans l'application ou l'exécution de la loi. Le paragraphe 25 (1) indique essentiellement qu'un policier est fondé à utiliser la force dans l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Les tribunaux ont clairement établi que l'utilisation de la force ne devait pas être appréciée par rapport à une norme de perfection, puisque les policiers sont souvent appelés à agir en urgence dans des situations explosives et en évolution rapide. À cet égard, on ne s'attend pas à ce que le policier mesure le degré de force appliquée avec précision. En outre, les policiers ne sont pas tenus d'utiliser uniquement le minimum de force nécessaire à l'atteinte de leur objectif, mais le degré de force employée doit être évalué en fonction des critères de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité en tenant compte du contexte particulier de chaque affaire. Une utilisation de la force juridiquement acceptable est celle qui n'est pas gratuite et qui est appliquée de façon mesurée.
L'intervention des policiers était légale. Elle se fonde principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Initialement, les policiers se sont présentés en urgence au domicile de l'homme, à sa demande, puisqu'ils avaient des motifs de croire que sa vie était en danger. Les policiers croyaient qu'ils avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée contre l'homme était nécessaire considérant qu'il représentait un danger grave et immédiat envers lui-même et pour autrui. Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP estime que cette croyance était plausible et qu'elle s'appuyait sur des motifs raisonnables. La preuve recueillie démontre que les policiers n'ont causé aucune lésion corporelle à l'homme. Également, elle ne permet aucunement d'établir un lien de causalité entre sa mort et l'intervention policière. Enfin, la force employée par les policiers n'était pas excessive dans les circonstances.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire même mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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