Consultations prébudgétaires 2010-2011 - Troisième et dernier fascicule du
comité consultatif sur l'économie et les finances publiques - Une voie
durable, pour rester maîtres de nos choix
MONTRÉAL, le 22 févr. /CNW Telbec/ - Le comité consultatif sur l'économie et les finances publiques publie son troisième et dernier fascicule, dans lequel il propose "une voie durable, pour rester maîtres de nos choix". Le comité analyse les choix qui s'offrent aux Québécois, et propose une démarche qui permet de rétablir l'équilibre budgétaire d'ici quatre ans et de le maintenir par la suite, sans remettre en cause le rôle et la place de l'État dans l'économie. Cette démarche s'appuie sur les constats et principes présentés dans les deux premiers fascicules. Le comité procède également à une évaluation de l'impact des changements démographiques sur la croissance économique.
Quatre messages
De l'ensemble de ses travaux, le comité dégage quatre messages considérés comme essentiels, qu'il adresse à la fois au gouvernement et à l'ensemble des Québécois.
- En matière de finances publiques, ne pas agir maintenant serait une grave erreur. Il faut impérativement respecter la cible fixée dans le Discours sur le budget de mars 2009, et rétablir l'équilibre des finances publiques d'ici quatre ans. Reporter au-delà de 2013-2014 la date du retour à l'équilibre nous placerait dans une situation de grande vulnérabilité, puisque c'est à cette date que commenceront à se faire sentir les effets du vieillissement de la population. - Pour atteindre l'équilibre budgétaire, il faut agir de façon équilibrée entre les revenus et les dépenses. Les propositions du comité tranchent à cet égard avec la solution de facilité consistant à accroître les prélèvements, sans agir sur les dépenses. À terme, le comité est convaincu que la seule façon de faire bénéficier le Québec de finances publiques équilibrées sur une longue période consiste à ajuster la croissance des dépenses à celle des revenus, elle-même déterminée par la croissance économique. - Nous devons impérativement améliorer nos façons de dépenser et nos méthodes de financement de nos services publics. Le comité a beaucoup insisté sur la nécessité de mieux dépenser, à partir des exemples convaincants que nous offrent de nombreux pays avancés. Il en est de même du côté des revenus. Le choix des impôts et des formes de prélèvements a un impact direct sur la croissance économique. Il faut privilégier les taxes et les tarifs, plutôt que les impôts directs. Cette option peut être rendue compatible avec une préoccupation réelle de la situation des plus démunis. Une stratégie appropriée à cet égard pourrait nous faire bénéficier de points additionnels de croissance, fort précieux dans un contexte de changements démographiques. - Le comité lance un message d'espoir. Le scénario élaboré afin de concrétiser les constats et les propositions présentés démontre qu'il est possible de maintenir l'équilibre des finances publiques à long terme, de réduire le poids de notre endettement et de diminuer la "mauvaise dette", malgré les changements démographiques, et cela, tout en conservant un panier de services publics comparable au panier actuel et en évitant d'alourdir la fiscalité.
Les options à rejeter
Dans ce troisième fascicule, le comité analyse les différents choix qui s'offrent aux Québécois en résumant en deux séries de scénarios les options devant lesquelles le Québec est placé.
La première série de deux scénarios a été regroupée sous le thème du "refus d'agir". Ces scénarios, dénommés "le statu quo" et "le recul", correspondent à des options dont le comité recommande le rejet. Ces scénarios aboutissent à une dégradation rapide et marquée de la situation budgétaire. Ils mènent en fait à une impasse : soumis à la pression des bailleurs de fonds, le gouvernement serait rapidement obligé de procéder à des réductions majeures de dépenses ou à des hausses considérables des impôts, pour rétablir une situation qu'il aurait tardé à corriger.
La réponse partielle
La deuxième série de deux scénarios correspond aux "résultats de l'action".
Le troisième scénario, intitulé "la réponse partielle", reproduit le Plan de retour à l'équilibre budgétaire annoncé en mars 2009 par le gouvernement. Ce scénario a été considéré comme partiel, car même s'il parvient à rétablir l'équilibre budgétaire en 2013-2014, seule la Loi sur l'équilibre budgétaire impose le maintien de l'équilibre après 2013-2014 - aucun moyen d'y arriver n'étant actuellement identifié.
Selon le comité, on est placé en 2013-2014 dans une situation que l'on ne peut considérer comme durable, puisque l'on assiste de nouveau à cette date à une dégradation des finances publiques. Par ailleurs, et au-delà de ce qui a déjà été annoncé de façon précise, le gouvernement utilise uniquement des moyens traditionnels - soit un accroissement de ses revenus - pour combler le déficit non encore effacé en 2013-2014.
La voie durable
Le comité propose un quatrième scénario, dénommé "la voie durable", qui représente l'aboutissement logique de ses travaux.
- D'ici 2013-2014, l'équilibre budgétaire est rétabli grâce à un effort équivalent concernant les revenus et les dépenses, dans le cadre d'un pacte proposé par le gouvernement, où chacun doit faire sa part pour réaliser et maintenir un cadre budgétaire équilibré. Le gouvernement ne prélèvera pas un dollar de plus en taxes ou en tarifs s'il n'a pas réalisé un effort équivalent d'un dollar du côté des dépenses. Grâce à ce pacte, les efforts et les engagements sont partagés entre les prestataires de services publics, leurs utilisateurs et les contribuables, et cela, dans le but d'assainir les finances publiques et de protéger l'avenir. - Après 2013-2014, l'équilibre budgétaire est maintenu en arrimant la croissance des dépenses sur celle des revenus, elle-même déterminée par la croissance économique.
Ce scénario est celui de l'équilibre budgétaire retrouvé et respecté. On assiste à une diminution graduelle du poids de l'endettement du Québec ainsi qu'à un allégement du fardeau des intérêts à payer. Au terme de la période, en 2025-2026, les dépenses de programmes représentent 20 % du PIB du Québec, soit la même proportion qu'en 2009-2010. Cela signifie que l'effort consenti du côté des dépenses ne remet pas en cause la place des services publics dans l'économie québécoise.
Pour ce qui est des revenus, et toujours en 2025-2026, le scénario privilégié par le comité conduit à une certaine augmentation de la pression fiscale, par rapport à 2009-2010. Entre le début et la fin de la période, la part des revenus autonomes dans le PIB du Québec passe de 15,5 % à 17,4 % - soit l'équivalent de 1,9 % du PIB. En fait, cette part augmente essentiellement entre 2009-2010 et 2013-2014.
Concrètement, le quatrième scénario implique une ponction moins grande sur le contribuable que le troisième : en 2013-2014, chaque adulte québécois doit assumer des prélèvements additionnels de l'État d'un peu moins de 900 $, comparativement à 1 200 $ dans le scénario 3.
Pour le mettre en œuvre, le comité suggère tout un ensemble d'initiatives, touchant les revenus comme les dépenses. Pour ce qui est des dépenses comme des revenus, l'effort a été chiffré à 5,6 milliards de dollars d'ici 2013-2014.
Une véritable révolution culturelle dans la gestion des dépenses publiques
La croissance des dépenses de programmes est réduite à 2,5 % par an d'ici 2013-2014, comparativement à l'objectif de 3,2 % retenu par le gouvernement. Après cette date, le contrôle des dépenses doit permettre d'arrimer leur croissance à celle des revenus, elle-même déterminée par la croissance économique. La croissance des dépenses de programmes s'établit à 4,2 % entre 2013-2014 et 2019-2020 et à 4,0 % entre 2019-2020 et 2025-2026.
Le scénario privilégié par le comité suppose une véritable révolution culturelle dans la gestion des dépenses publiques, touchant d'abord l'administration gouvernementale et les sociétés d'État dans leur façon de dépenser. Cette révolution culturelle va beaucoup plus loin que ce qui est actuellement anticipé au Québec.
- On a retenu ici l'hypothèse selon laquelle la moitié des efforts de dépenses requis d'ici 2013-2014 serait obtenue grâce à des gains de productivité de 1 % par an. Le comité formule une attente analogue pour ce qui est des sociétés d'État. - L'autre moitié de ces efforts résultera de la réévaluation systématique des programmes, aboutissant selon le cas à l'abandon de certains d'entre eux, au gel des développements ou à leur révision. - On peut estimer qu'après 2013-2014, le contrôle de la croissance des dépenses de programmes sera obtenu principalement par des gains de productivité.
Pour obtenir les gains de productivité attendus, le gouvernement peut faire appel à tout un éventail de possibilités, que le comité présente. Pour les 3 milliards de dollars qu'il reste à aller chercher du côté des dépenses d'ici 2013-2014, de nombreuses possibilités sont à notre disposition. Le calcul de l'écart des dépenses par rapport à l'Ontario, présenté par le comité dans son premier fascicule, devrait servir de révélateur des domaines à analyser en priorité.
Les revenus : un effort surtout concentré en début de période
Le scénario 4 suppose que la moitié des initiatives nécessaires pour rétablir l'équilibre budgétaire en 2013-2014 - soit 5,6 milliards de dollars - proviendra d'une augmentation des revenus prélevés par l'État. Sur ce total, les mesures déjà annoncées par le gouvernement représentent près de 2,4 milliards de dollars. Il reste donc plus de 3,2 milliards de dollars de revenus additionnels à identifier.
Les principes visant un meilleur financement et identifiés dans le deuxième fascicule indiquent la voie que le gouvernement doit suivre. On fait référence à des principes tels qu'éviter d'alourdir les impôts sur le revenu, ou orienter la ponction fiscale de l'État vers les formes les moins dommageables pour la croissance économique, soit notamment les taxes à la consommation.
Le comité a identifié quelques ordres de grandeur, concernant des mesures potentielles qui pourraient être prises afin de dégager des revenus supplémentaires pour l'État. Pour le comité, les possibilités que le gouvernement devrait analyser en priorité concernent les tarifs : il faut rappeler de plus qu'une tarification mieux conforme aux coûts a le double avantage de peu pénaliser la croissance économique et d'induire de bons comportements de la part de celui qui utilise les services tarifés.
Le comité souligne à ce sujet que contrairement à une idée répandue, la proportion des revenus de tarification en fonction des coûts n'a pas augmenté, mais diminué, entre 2004-2005 et 2007-2008, passant de 12,7 % à 12,2 %. Plusieurs tarifs sont gelés, alors que les coûts augmentent.
Au-delà de 2013-2014, la croissance des revenus autonomes suit la croissance économique.
L'impact des changements démographiques sur la croissance économique
Dans la première partie du fascicule, le comité aborde de façon approfondie l'impact des changements démographiques sur la croissance économique. Les différents scénarios analysés par la suite utilisent les mêmes hypothèses concernant la croissance économique. Le comité en arrive aux conclusions suivantes :
- De 1981 à 2008, la croissance économique annuelle du Québec s'est établie en moyenne à 2 % (taux de croissance réel, obtenu en éliminant les effets de la hausse des prix). Cette croissance provenait à parts presque égales des évolutions du bassin de travailleurs potentiels, du taux d'emploi et de la productivité. - Au cours de la période 2009-2025, la diminution du bassin de travailleurs potentiels aura un impact majeur sur la croissance économique à venir. Elle réduira la croissance du PIB en moyenne de 0,1 % par an pour la période 2013-2019 et de 0,2 % par an pour la période 2019-2025. - Une première façon de contrer l'impact des changements démographiques est de faire croître le taux d'emploi. Le comité a retenu des hypothèses optimistes, selon lesquelles la hausse du taux d'emploi apportera une contribution positive à la croissance économique, au cours des prochaines années. On constate cependant un plafonnement et une réduction de cette contribution, en fin de période. - L'augmentation de la productivité constitue en fait le seul moyen pour le Québec de relever le taux de croissance de l'économie de façon permanente et à long terme. Selon les hypothèses retenues par le comité pour la période 2009-2025, l'augmentation de la productivité compenserait en partie les conséquences sur la croissance économique de l'évolution défavorable du bassin de travailleurs potentiels.
L'intégration des prévisions retenues pour l'évolution du bassin de travailleurs potentiels, le taux d'emploi et la productivité permet de déterminer le taux de croissance économique que connaîtrait le Québec au cours des prochaines années.
La croissance du PIB réel, établie à 2 % par an durant la période 1981-2008, diminuerait graduellement tout au long de la période, après un léger rebond en 2009-2013. En fin de période - en 2019-2025 -, le taux de croissance s'établirait en moyenne à 1,4 % par an, soit une diminution de 0,6 point de pourcentage par rapport à la moyenne historique.
La projection retenue par le comité est relativement optimiste. Elle tient compte de l'évolution anticipée du taux d'emploi et de la productivité dans un contexte de changements démographiques, et incorpore une hypothèse de réaction favorable de l'économie, après la récession.
Une évidence trop souvent oubliée
Au terme de ses travaux, le comité consultatif sur l'économie et les finances publiques conclut sur ce qu'il considère comme une évidence trop souvent oubliée : quoi que l'on fasse, la seule façon durable de gérer les finances publiques est de faire en sorte que les dépenses augmentent au même rythme que les revenus qui les financent - soit le rythme de la croissance économique.
Les défis auxquels le Québec est confronté nous forcent à respecter cette réalité.
Le comité consultatif
Le troisième fascicule du comité consultatif sur l'économie et les finances publiques est disponible dès aujourd'hui sur le site de la consultation prébudgétaire 2010-2011.
Le comité consultatif sur l'économie et les finances publiques a été mis en place par le ministre des Finances le 26 octobre 2009, dans le cadre de la consultation prébudgétaire 2010-2011. Le ministre des Finances a alors annoncé qu'il s'adjoignait un comité d'experts indépendants, formé de MM. Pierre Fortin, Robert Gagné, Luc Godbout et Claude Montmarquette, et dont il assumerait la coprésidence avec M. Robert Gagné.
MEMBRES DU COMITÉ CONSULTATIF SUR L'ÉCONOMIE -------------------------------------------- ET LES FINANCES PUBLIQUES -------------------------
Robert Gagné (coprésident)
Détenteur d'un doctorat en sciences économiques de l'Université de Montréal, M. Gagné œuvre au sein de HEC Montréal à titre de professeur titulaire et de directeur du Centre sur la productivité et la prospérité. Il se spécialise en économétrie appliquée, en organisation industrielle et en politiques publiques. Au cours des dernières années, M. Gagné a été président du Groupe de travail sur l'aide aux régions ressources et à la nouvelle économie et coprésident du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération. En 2002, il est nommé membre régulier du Centre interuniversitaire sur le risque, les politiques économiques et l'emploi (CIRPÉE) et depuis 1999, fellow au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Dans ses travaux de recherche, il s'est attardé aux problématiques liées à la productivité des entreprises, à l'optimisation des ressources et aux différents enjeux reliés au secteur des transports.
Pierre Fortin (membre)
Pierre Fortin détient un doctorat en économie de l'Université de Californie à Berkeley et une maîtrise en mathématiques de l'Université de Montréal. Il est professeur émérite au département de sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Ses champs de recherche concernent principalement la croissance économique, les politiques monétaire et budgétaire, la politique sociale et l'économie du Canada et du Québec. Il est membre de la Société royale du Canada et membre du conseil scientifique de l'Institut canadien de recherches avancées. Il a été président de la Canadian Economics Association, membre du comité des conseillers économiques du ministre des Finances du Canada et conseiller économique principal du premier ministre du Québec.
Luc Godbout (membre)
Luc Godbout détient un doctorat de l'Université Paul-Cézanne-Aix-Marseille III. Il est actuellement professeur agrégé à l'Université de Sherbrooke. Il est spécialisé en fiscalité et en finances publiques. Au cours des dernières années, il a notamment été membre du Groupe de travail sur les aides fiscales aux régions ressources et à la nouvelle économie en plus de collaborer à la Commission sur le déséquilibre fiscal. Il est également chercheur à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke. Ses recherches ont porté particulièrement sur les conséquences du vieillissement de la population québécoise sur les finances publiques. Depuis 2006, il a codirigé quatre livres publiés aux Presses de l'Université Laval. Enfin, M. Godbout est l'auteur d'une chronique mensuelle intitulée "Les finances publiques sous la loupe" dans le journal La Tribune.
Claude Montmarquette (membre)
Claude Montmarquette détient un doctorat en économique de l'Université de Chicago. Il est actuellement professeur émérite, titulaire de la chaire Bell - Caisse de dépôt et placement du Québec en économie expérimentale de l'Université de Montréal. Il est président-directeur général du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO) où il dirige le groupe de recherche en politiques publiques. Professeur invité de plusieurs universités étrangères, Claude Montmarquette intervient régulièrement dans un grand nombre de conférences et séminaires présentés partout dans le monde.
Renseignements: Jacques Delorme, Soutien technique, Comité consultatif sur l'économie et les finances publiques, (418) 528-7382
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